Stoppe cette stupide mission [Reyna]

Tant de choses à faire et si peu de temps. A peine la journée avait-elle commencée que les demandes et réclamations se multipliaient. Un soupire m’échappa. S’occuper de tout cela seule, c’était vraiment harassant mais je n’avais pas le droit de me plaindre. A force, je renvoyais les dernières réunions du jour, heureusement que ce jour-là, il n’y en avait pas avec les Grecs, je n’aurai pas pu la repousser celle-ci. C’est comme ça que je passais une bonne partie de ma matinée, enfermée, à travailler et à réfléchir. Finalement, j’avais enfin pu classer plusieurs dossiers et affaires. Un sourire fatigué mais plutôt ravi sur les lèvres, je me levais et me dirigeais vers la porte pour aller prendre l’air. Ma cape pourpre sur le dos, je descendais quelques marches et me dirigeais vers la Nouvelle-Rome. Exactement, je ne savais pas quoi faire d’autres à part m’accorder quelques heures de détentes.

Je pourrais me balader, aller inspecter l’activité des légionnaires, prendre l’air à la Nouvelle-Rome, et reposer ma tête. En voilà une bonne idée, faire une pause. Un petit sourire sur mon visage, je poursuivais mon chemin, appréciant ce vague sentiment de liberté et légèreté pour une fois que les remords ne m’étranglaient pas les entrailles, c’était plutôt plaisant. Finalement, je bifurquais pour me diriger vers le Petit Tibre et c’est sur le chemin qu’une main se saisissait de mon bras. Mon premier réflexe fut bien évidemment de me défendre contre un possible agresseur, mais je remarquais la voix de Théo. Encore lui ! Récupérant mon bras, je le fixais avec incertitude. Que voulait-il encore ? De nouveaux reproches. Une nouvelle ruse de mon ennemi juré. Super. J’allais m’excuser lui répondant platement que je n’avais pas de temps à perdre, que j’étais pressée, mais je ne sais pas pourquoi, au final, je ne dis rien.

Je l’écoutais jusqu’à la fin et ses paroles semblaient sincères, étrange, très étrange. Fronçant légèrement les sourcils, je devais me décider. Après tout, j’avais déjà prévu de m’accorder quelques heures de repos, mais je ne devrai pas le faire en sa compagnie mais après tout pourquoi pas. Bien que je craigne d’avoir les mains qui démangent s’il me refaisait le coup de la dernière fois. « Bonjour Théo », déclarais-je finalement comme entrée en matière. Oui, bon, je suis polie hé. Mais la suite me troublait. Bouffée par le pouvoir. Une façon de voir les choses, à vrai dire c’était surtout écroulée sous la tonne de choses à régler et étouffée par les responsabilités, les fais pas ci et fais pas ça. Cela étant dit, ma tête se mouvait de manière positive.

« Très bien, j’accepte. Et sache que j’ai toujours mes armes avec moi. Habitude de ... combattante. » lui répondis-je. Oh ça, mes armes ne me quittait jamais. Mes bras remontèrent sur ma poitrine, comme pour me donner la force d’annoncer que j’avais à dire, pour lui répondre de manière complète « Que proposes-tu ? ». Je cherchais du courage. Parce que je n’étais pas à l’aise bien que je garde mon masque sur mon visage. Jamais, je ne pourrais montrer ma faiblesse surtout pas à quelqu’un qui pourrait bien me poignarder dans le dos, la prochaine fois. Dressant un sourcil, j’ajoutai encore très intriguée par la réponse « Et pourquoi ? Tu n’as pas d’autres Romaines à aller voir. » La question était posée gentiment et doucement, je cherchais simplement à mettre une réponse derrière ses actes. Je préférais autant qu’il m’annonce directement la couleur si c’était encore Octave qui se mêlait de ce qui ne le regardait pas - mais alors absolument pas. Pourquoi ne pouvait-il pas agir comme tout le monde celui-là hein ? Il fallait qu’il agisse différemment évidemment comme si ce n’était pas déjà assez compliqué pour moi de tout gérer. Mon regard restait sur les traits de Théo, attend avec une légère impatience sa réponse.

J’avais accepté de le suivre. Tout cela pourquoi ? Parce que j’accordais quelques heures en tant que Romaine comme les autres. Comme les autres ? Non évidemment, si je faisais la moindre bavure j’en paierai le prix cher. Mais c’était là quelque chose que j’avais accepté en même temps que cette fonction importante, la plus important pour les Romains, si ce n’est être le dieu Mars mais bon, étant donné que ce n’est pas vraiment le genre de statut atteignable, on ne dira rien. Je souhaitais être à la hauteur de nos prédécesseurs et tout faire pour garder le maximum des miens en bonne santé, sauver Rome, lui redonner gloire et honneur. De vraies idées en tête en somme, mais le destin s’acharnait contre mes desseins. Je trouverais une façon de faire les deux préserver et construire, c’est ce que mes prédécesseurs ont tenté de faire alors je le ferai aussi.

On peut dire que ça fait parti de mon carnet de charge mais le fait de suivre Théo, bien que malgré son caractère ce garçon possède un petit quelque chose qui me fait réfléchir, ce n’était pas vraiment là quelque chose que je devais faire. Même si Kathleen me dirait de profiter un peu que je n’avais que vingt ans. Être Praetor c’est une chose mais être une jeune femme, c’en est une autre. Disons que le masque s’est installé sur mon visage et je ne parviens pas vraiment à discerner qui est la cheffe respectable et qui est la jeune femme qui vient de sortir de l’adolescence. Ce n’est pas évident mais j’essaie, peut-être que Théo va m’aider à ouvrir les yeux, retrouver la partie de la jeune femme qui aimait la vie, qui n’avait pas des cernes tous les jours en se levant, ou alors c’était parce qu’elle avait veillée trop tard pour faire des bêtises de jeunes.

Non, cette fille-là n’avait pas vraiment existé. Pourtant, cette Reyna aurait pu être sympa je pense, mais sa place n’était pas en ce monde, pas en ce moment alors qu’un équilibre fragile régnait tout autour de nous, menaçant à chaque instant l’arrivée d’une bataille qui devenait de plus en plus inévitable. La confrontation, j’avais le sentiment de la sentir arriver. On n’allait pas y échapper et nous allons encore devoir subir la tempête. J’ai peur de perdre encore des soldats, des amis, des proches. Mes yeux fixèrent Théo, me demandant s’il serait le prochain à périr, qui est-ce que ce sera ? Je suis bien incapable de le prédire. Je dois juste assumer et avancer la tête haute parce que je dois être forte pour tous les autres. Qu’importe qu’ils le comprennent ou pas. Peut-être un jour, qui sait.

Levant les yeux au ciel, je regardais Théo. « Je n’ai pas peur de toi, d’accord. Je suis juste étonnée de te voir revenir depuis... l’autre soir. » Ce qui n’était pas faux. Disons qu’il y avait mieux comme conversation. J’hochais la tête avec un peu de réticence et retirais effectivement ma cape de Praetor s’il y est tenait et la lui donnais entre ses mains. « Je te la confie alors, Lloyd. » Au pire, j’en avais d’autres en stock mais bon, je lui montrais clairement que j’avais capitulé et ferais ce qu’il veut que je fasse puisqu’il semblait tenir à ce que je dois une « adolescente normale », bah pourquoi pas. Étrangement la suite de sa réponse me plut. Il n’avait pas de petites amies donc. Enfin, c’est ce que je jugeais et c’était complètement stupide de penser à ce genre de chose. Bordel Reyna, c’est même pas un ami. Ouais, d’ailleurs, qu’est-ce qu’il est ce garçon à part un vrai chambouleur - ça se dit pas et on s’en fout.

Il venait à peine de débarquer et voilà que je lui filais ma confiance comme ça claque, logique Reyna, très bien, bravo. « Etonnant pourtant. » déclarais-je pensivement plus en réponse à mes pensées qu’à ses propos. « Je n’ai pas peur de toi et ne vais pas te frapper bon sang ! » Est-ce que j’avais déjà frapper un légionnaire à part en combat évidemment. La réponse est bien évidemment non et clairement négative. « Je t’ai dis que j’acceptais alors je te la donne ta chance. A toi de jouer Théo. » Lui dis-je avec un petit sourire. Je me demandais bien ce qu’il avait en tête mais bon, j’allais bien le voir, tant que ce n’était pas un piège ou autre. Mais je ne le pensais pas à être de ce genre là bien qu’il côtoyait Octave. IL ne pouvait pas être comme lui. Ah ça, il ne devait sûrement pas avoir deux fils d’Apollon, sinon le monde serait bien mal, je vous assure. Quoique ils pourraient se marcher dessus l’un et l’autre, ça m’arrangeait. Bref, Théo ! Je plongeais mon regard dans le sien, « C’est quand tu veux. » avec une pointe de malice.

J’avais accepté sans trop réfléchir. Si j’avais voulu paraître intelligente j’aurai dit que c’était mon instinct qui m’avait poussé à, mais ce n’est pas le cas. C’est... difficile à expliquer mais j’avais envie d’abaisser mon radar hyper méfiant envers ce jeune homme et surtout envers l’augure et pourquoi pas, profiter simplement d’être une jeune femme normale. Gardons à l’esprit que la normalité c’est vraiment vague surtout quand on nait demi-dieux merci pour le coup de pouce à la naissance, tu passer directement dans la case à relativement courte espérance de vie voir même danger de mort imminent. C’est vraiment une destinée hors du comment pas de doute. Disons qu’une fois qu’on y est ce n’est pas si dérangeant que cela, il y a même des avantages. J’aurai été bien incapable de m’intégrer chez les mortels tout simplement car je ne suis pas faite pour une vie calme, bien que parfois, certains soirs j’en rêverai d’un peu de calme.

La Nouvelle-Rome est l’espoir de tous les demi-dieux. Je me suis jurée de préserver Rome pour tous, je dois juste m’accrocher. Ce n’est pas difficile, c’est peut-être là le rêve de ma vie - ma destinée à moi. J’avoue qu’on peut rêver de mieux, bien mieux mais on ne peut pas choisir. Aider Rome à tenir debout, ça me semble déjà pas mal. Bon changeons de pensées, je venais de donner ma cape pourpre préférée - quand même - à Théo, lui confiant ainsi sa garde. Ce n’était pas une preuve de confiance envers lui ? Enfin, j’espérais qu’il comprenne ce message subliminal pour le moment, j’allais me laisser entrainer par ce Romain et je verrai bien ce que ça donnera. Il ne faut pas que je pense à la tonne de travail qui allait attendre mon retour, juste suivre Théo et ... me comporter normalement.

On oublie que normal ça veut rien dire, merci. Sinon, je vais être obligée de l’expliciter à chaque fois. Et puis, ces attentions n’étaient pas mauvaises enfin je ne pensais pas. Il semblait même plutôt tenace, qualité que j’approuvais et appréciais plutôt bien. Je venais de donner des points à ce garçon apparemment. Il faudrait peut-être que j’arrête un peu. Je dressais un sourcil suite à sa phrase. Me demandant ce que je devais avoir de différent. Ma tête était toujours la même. Peut-être une allure plus n... - non, je ne le dirai pas encore - moins sévère, plus comme l’image que l’on doit se faire d’une jeune femme de mon âge, je n’en sais rien mais si ça lui plaisait, ça ne devait pas être si mauvais. Je le regardais d’un air légèrement mélangé entre le côté positif et négatif. « Et c’est une bonne chose à tes yeux ? » Je me posais sincèrement la question, son avis m’intéressait. Pourquoi ? Parce qu’il me disait toujours ce qu’il pensait et ne se gênait pas de le faire et que cela me plaisait. Théo n’était pas un faux-cul, il restait vraiment lui-même et c’était très plaisant même quand il faisait l’abrutit. Mais j’aimais bien ce côté.

Je secouais la tête à sa question. « Rien, je ... rien, je réfléchissais à voix haute. Ce n’est pas important. Qu’as-tu donc prévu maintenant que ma tenue te convient visiblement ? » Je ne lâchais pas son regard, essayant d’être décontractée alors que je n’avais pas la moindre idée dans quoi je pouvais bien m’embarquer avec ce jeune homme que je commençais diablement à apprécier et certainement trop au goût de mon esprit très souvent contradictoire avec mon cœur, par exemple. Il me disait sans cesse de sa petit voix agaçante mais que vont dire les gens s’ils vous voient ensemble. Je m’en fichais. Je devais le faire. Un frisson et un léger sursaut m’attaquèrent quand je sentis sa peau contre la mienne. Je tentais de ne faire comme si de rien n’était, mais ce contact me troublait. Je sentais la chaleur de sa paume, de ses doigts, nos mains l’une dans l’autre. Il m’entraina. Je lui jetai un regard, mais il n’avait pas l’air d’avoir conscience de ce qu’il venait de faire. Comment faisait-il pour être autant décontracté ? Je me laissais entraine par lui, guidée par un Romain loin d’être un ami pourtant mais... non le mais n’avait pas sa place, rester maitre de soi. On arrivait finalement sur la colline, un drap posé à même le sol.

Je relevais les sourcils en voyant qu’on se rendait là justement. Théo se posa par terre, sans me lâcher, ce qui m’obligea donc à le suivre légèrement incertaine. Un pique-nique ? J’écoutais ses paroles avant d’esquisser un léger rire. « Théo, je ne suis pas non plus un exemple de royauté ou même qui lève le petit doigt en buvant du thé. » Même si en principe, je ne faisais pas de pique-nique. Ah ça non. Mais étrangement même n’ayant pas l’habitude voir même pas du tout dans ma nature, au moins ça me plaisait bien. J’aimais bien voilà. Je gardais un sourire sur mes lèvres attrapant son sandwich avant de le regarder, les yeux légèrement pétillant contents de cette aventure, je n’avais jamais pu les contrôler ceux-là, impossible qu’ils restent impassible. « J’espère que tes blagues sont drôles » ajoutais-je avec une pointe de malice. Puis, tentais de déballer le sandwich avant de demander, amusée. « Tu as fait toi-même les sandwichs ? » Bah quoi ? J’avais bien le droit de m’informer sur la nourriture tout de même.

Je comprenais que de satisfaire l’envie d’une personne peut-être diablement dur lorsqu’on a été habitué dans une drôle de routine. Être sérieux. Ne sourire qu’avec les yeux ou dans de rares instants qui ne nous ferait pas passer pour une faible. C’est un peu ça d’être le chef, on retrouve facilement des choses à redire sur notre comportement - des jugements illusoires - personne n’est parfait, on peut essayer de l’être mais la réussite est sans aucun doute impossible. Qu’est-ce que la perfection aussi ? Sincèrement, je n’en ai pas la moindre idée. Je ne pense pas qu’un seul être - même Venus - puisse s’en approche ne serait-ce que d’un peu de notre définition. C’est trop vague, manque de détails et sans doute complètement utopique. On serait au courant si les êtres exceptionnels existeraient. Les guerres. La mort. La maladie. La peur. Et bien d’autres.

Tout cela n’existerait même pas. Ou alors il y a tellement de mauvaises choses que les bonnes choses préfèrent rester cachés de peur de terminer par se faire envahir elles-aussi. Allez savoir. Les personnes peuvent aussi se faire des idées sur nous-mêmes, sans doute pas la meilleure des idées. Il vaut mieux se forger sa propre idée, c’est que ma sœur m’a souvent soufflé lorsque j’étais plus jeune. Je ne pouvais m’empêcher de scruter le visage du légionnaire à mes cotés. Je me demandais à quoi il pensait lorsqu’il me voyait. Ce n’était pas forcément un questionnement des plus intelligents mais étrangement son jugement me tenait à cœur. Pourquoi ? Je ne pouvais y répondre. Peut-être parce que sa demande des plus simples - pourtant - ne cessait de se tourner dans mon esprit. Il voulait que je sois « normale » entendons-nous bien sûr sur ce terme.

Malheureusement, et je le comprenais tous les jours, je ne pouvais pas me comporter comme un légionnaire - une simple Romaine bien que je ne considère pas les miens comme de simples personnes. Il me tient toujours à cœur de les connaître, pas seulement pour satisfaire mon esprit légèrement paranoïaque mais aussi parce qu’étant sous mes ordres, je veux savoir qui part au combat, qui revient mais surtout... qui ne revient pas. C’est important pour moi et pour eux. Je ne veux pas qu’ils puissent penser que je n’en ai rien à faire de leur vie et que les envoie se battre sans penser à eux. Ce n’est pas le cas. Effectivement, je juge avec l’esprit Romain que notre mort est plus belle lorsqu’elle est au combat certes, mais je comprends aussi l’appréhension, la peur, l’attente, l’espérance - c’est juste que je n’ai pas le droit de montrer ce genre d’émotions qui pourraient me faire manque à ma tâche de Praetor. Mais qui peut vraiment comprendre cela sans être impliqué ? Théo le pourrait-il ? Franchement, l’idée qu’il me juge ne me donne pas vraiment envie de lui en parler.

Et puis pourquoi le ferais-je ? Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il tente de faire - en bon stratège je n’aurai même pas dû accepter de le suivre, pas en sachant que Octave pourrait conspirer derrière mon dos. C’est stupide peut-être complètement paranoïaque mais il faut bien avouer que je n’ai pas la moindre idée de comment parvenir à faire confiance au fils d’Apollon. Il ne m’aide pas. Je ne parviens même pas à me poser sérieusement la question sur est-ce qu’il est fiable... c’est frustrant. La voix de Théo me sortit de mes pensées. Je détournais aussitôt le regard, remarquant que je l’avais fixé pendant tout ce temps. Quelle idée. Plus sympathique sans la cape ? Hmm. Ce garçon me déroutait littéralement. Au moins j’étais quasiment certaine qu’avec lui, ses paroles seraient sincères. Un bon point pour ce garçon. Mon regard ne la lâchait plus mais cette fois-ci je ne me sentais pas mal à l’aise, je réfléchissais à ses paroles.

« Difficile à supporter... » déclarais-je pensivement, « Tu n’y vas vraiment pas par quatre chemin. Pourquoi parce que j’agis comme un chef ? » lui demandais-je, sans idées spéciales dans ma tête. C’était ce que je voulais comprendre comment on me voyait avec ma coquille d’or apparemment. Je lui offris un sourire sincère, prenant mes aises - après tout, j’étais une jeune fille normale aujourd’hui non ? Donc, je m’en donnais le droit et profitais des réflexions de Théo. « Et ben, tout ce que je peux te dire c’est de profiter de la fille sympathique. Je n’ai pas le choix de remettre la cape après cette journée. » Je chérissais ce que je faisais mais je devais avouer que parfois la nostalgie de mes premières années m’envahissaient surtout ces derniers temps. J’avais l’impression de tout perdre. Rome était toujours là. Mais mon pouvoir se faisait la malle avec mes Praetors, mes amis... c’était dur. Inutile de mentir. Je ne suis pas incassable. Je pense que Percy s’en était souvent rendu compte. Mais il n’était plus là. Ni Jason. Ni Hazel. Ni Frank. Il ne restait que nous. « Qu’est-ce qui te gêne avec la cape ? » ajoutais-je après un petit moment de silence. Il me semblait important de connaître ses arguments pour le coup. Est-ce que je devrais mal prendre ses paroles ? Je ne sais pas. Étrangement, je préférais être informée de ce qui pouvait se dire derrière mon dos que pas du tout. Question pratique.

Je mordais dans le sandwich décidant que je serai moins mal à l’aise en vivant vraiment l’instant et puis je peux bien avouer que j’avais légèrement faim. Je tirais une légère grimace. « Je ne pense pas que ma soeur souhaite prendre une tasse de thé et moi non plus d’ailleurs. » L’idée d’imaginer Hylla entrain de boire le thé me donnait furieusement une envie de rire, mais la seule pensée de me prendre un fou rire devant le garçon me refroidissait légèrement, pas très classe de commencer à rire sans une réelle raison. Disons une raison que lui ne comprendrait pas sans explications. Décidant qu’il serait temps de donner mon avis sur son sandwich, je lui déclarais d’une manière peut-être un peu plus chaleureuse. « Et bien tes professeurs ont bien fait leur travail. Et pour le pique-nique je suis autant ignorante que toi sur le sujet donc même si c’était minable, je ne pense pas que je pourrais comparer... » Je haussais les épaules, avant de manger encore tranquillement, mon regard se posant sur l’horizon, médisante sur divers choses.

Je savourai un sandwich - un bon sandwich d’après mes maigres goûts culinaires. Assise sur une couverture, dans l’herbe, avec un légionnaire. Un garçon qui ne me blairait pas aux premières nouvelles, qui était proche de mon pire ennemi. Mes yeux foncés étaient rivés sur l’horizon. Je mâchai simplement, sans me poser trop de questions - en essayant de ne pas réfléchir à ce que je faisais en ce moment. Ce n’était pas dans mes habitudes faire un pique-nique - encore d’accepter l’invitation d’un garçon à faire un pique-nique proche du camp, alors que j’avais du travail. Mais mes voix avait clairement dit oui à Théo. Je tenais toujours parole. Alors me voilà, avec lui, entre les sandwichs. Quel drôle de paysage tout de même. Abandonnant une cape que je lui avais confié, mon corps avait suivi le garçon jusqu’à ce lieu.

Tendue. Intriguée. Et curieuse. Je ne me forçai pas. Je croyais à ce petit moment de paix, de calme, une petite éternité en présence d’un garçon complexe. Je n’avais jamais vraiment cerné ce jeune homme. Un bon légionnaire. Mais pourquoi suivre Octave ? Que lui avait-il promis ? Était-ce l’idée de notre cher augure de me le coller aux basques. D’après ses paroles, il semblait que non. Cependant, pourrais-je le croire ? Pourtant ce moment était beau, brisant ce que nous pouvions savoir de la situation entre les camps, avec nos ennemis, à l’intérieur même de la légion. Je grinçai les dents presque involontairement. Je n’aimais pas y penser. La force d légion provenait de sa force à rester unie, une équipe, un groupe, des frères et sœurs d’arme, qui ne fuiraient pas - qui n’abandonneraient jamais. La plupart souhaitait mourir en héros. Les autres quittaient la légion après le service obligatoire mais l’unité restait et résistait.

Les soldats à la retraite faisaient vivre la Nouvelle-Rome, fondaient des familles qui donnaient des futurs combattants - des légionnaires. Voilà de quoi était forgée la légion. Les jeunes conditionnés à ses idées, des militaires, pas des touristes avec des épées, des arcs, des haches, non des guerriers. Je n’aurai jamais envisagé une autre vie, rester au Spa, c’aurait été en enfer en sachant tout ce que j’aurai raté. Même si depuis que j’avais été élue Praetor ce n’était plus aussi simple. Mais la légion, les légionnaires, la Nouvelle-Rome, ma vie c’est ça - ce sont eux. Je n’avais rien à faire d’autres. J’étais simplement née pour la guerre, pas forcément pour être le meilleur guerrier mais mon rôle était de garder l’unité, diriger des armées. Je laissais le travail de héros à d’autres, comme Jason ou Percy, emportait par la vague de ce sournois destin. J’avais besoin d’eux en ce moment mais comme Nico, les garçons avaient disparu.

A mon soulagement, certain Grecs pour ne pas dire certaines tentaient de faire tenir notre accord de non-agression tant que nos ennemis communs n’étaient pas hors de notre chemin. Mais qui sait ce que préservait l’avenir. Je posai mon regard sur Théo. Ce garçon était l’avenir. J’écoutai ses paroles, parfaitement attentive. Je comprenais ce qu’il voulait dire. Ce n’était pas par pur plaisir que je ne me permettais pas de montrer mes faiblesses - car oui, démonter que j’étais comme les autres, que je souffrais, qu’on pouvait me briser, ce serait exactement ce qu’il faudrait pour me montrer tranquillement la porte. Je n’aurai jamais pensé qu’il puisse être aussi difficile d’être un mur, porter un masque, ne rien montrer - être un roc pour les autres. Je n’avais pas le droit de m’effondrer. De même pour les centurions, ils étaient là pour les légionnaires, pour leur montrer que le courage et la détermination suffise à vaincre.

Que diraient-ils si leur chef s’écroulait saisi par les armes ? Ce serait la panique. Une lutte pour le pouvoir éclaterait. Voilà pourquoi un chef ne pouvait se permettre ce genre de fantaisie. De même pour mon amie Kathleen et tous les soigneurs, comment soigner, assurer à un malade, à un blesser qu’il irait bien, si vous même n’y croyez pas. Si vous n’êtes pas assez fort pour le soutenir dans cette épreuve. Certaines personnes doivent être des piliers pour que les plus jeunes s’en sortent, que ceux qu’on aime vive. Je ne doutais pas de la compréhension de Théo là-dessus mais je ne me sentais pas de lui faire un débat là-dessus, après tout, on était là pour oublier que j’étais praetor et lui légionnaire, non ? Alors j’avais envie de lui prouver que j’étais quasiment capable d’être une jeune femme comme les autres à quelques détails près.

« Je ne le prends pas mal. Tu as le droit de dire et de penser ce que tu veux aujourd’hui, tu te souviens ? » Un petit sourire amusé sur les lèvres avant que je poursuive, « Vous n’êtes pas faibles. Mais ce n’est pas à vous d’être fort. C’est mon travail, Théo. » affirmai-je le regardant sérieusement dans les yeux, « Chaque perte est un coup de poing pour un chef, n’importe quel chef à supposer que ce soit un bon chef qui prend ses responsabilités. » C’est ce que j’essaie de faire au mieux, tu sais pensais-je, amère. Pour la colère, je n’y pouvais rien. Sans doute le contrepoids de ce qui restait en moi - qui devait rester en moi pour éviter les bavures. Je ne suis pas inhumaine. J’ai des émotions. Il le comprenait. Les montrer en étant une autre pair de manche. Mais aujourd’hui j’avais promis alors j’étais sincère. C’est pourquoi j’écoutais tout ce qu’il avait à dire, ses justifications, ses interrogations, ses remarques. Je les accueillais sans rechigner. Mon esprit était curieux et intrigué de connaître le fond de ses pensées et le fils d’Invida me les offrait. Je pinçai les lèvres pour ne pas rire quand il parla de Liam ce fauteur de trouble et de Spencer. Les cas de la légion. Néanmoins, je devais bien avouer que la fraicheur du fils de Mercure faisait plaisir à voir et redonnait sans aucun doute le moral aux troupes quand ça n’allait pas et j’appréciais cela.

J’écoutai encore et encore. Le visage fermé avant de hocher la tête avec un léger soupire. « Je sais Théo. Ce n’est pas volontaire. Je ne souhaite pas être un tyran et n’espère que ce n’est pas exactement ainsi qu’on me voit. Oui, le pouvoir change les gens, les détruit même. Mais c’est nécessaire. Je préfère faire parti des dommages collatéraux si ça permet à Rome de tenir. » Haussant les épaules, j’ajoutai avec un léger sérieux « Le pouvoir isole Théo, je le sais parfaitement comme je sais que je peux encore compter sur des proches. Je n’ai juste pas le droit de montrer ma préférence pour eux, ce serait injuste pour tous les autres. Dis-moi, est-ce que tu serais entrain de prévoir de devenir mon ami ? » Ma dernière question était ponctuée d’un sourire et mes yeux pétillants. J’aimais son franc parler. Il ne me ménageait jamais et ne craignait visiblement pas pour ses fesses. Très intéressant. Puis, le fils d’invida rétorqua visiblement sur le fait que je ne prenais pas le thé avec ma sœur.

« Je ne la vois pas souvent, voir jamais. Et non, on ne discute pas petits amis, ni même de régence. Ce n’est pas une compétition. Mais j’apprécie ton compliment. Les amazones ne sont pas comme nous. Leurs règles sont différentes et ne me plaisent pas franchement. Moi qui pensais que tu comptais la garder pour toi. » Je crois bien que je m’amusais. Sa sincérité restait très rafraichissante et parfois, il me donnait envie de rire. Théo avait l’air d’un garçon peu sérieux mais dans le fond, c’était l’inverse, il réfléchissait beaucoup et parlait semblait-il avec son cœur ou du moins déclarait ce qu’il pensait être juste. Sa requête me poussa à écarquiller légèrement les yeux. J’étais étonnée qu’il me demande cela. Parler de moi et de ma vie. Que pourrais-je lui dire ? Lui raconter comment j’en étais à être une cheffe médiocre, pas loin d’une guerre parmi les siens. Ceux qui connaissaient mon histoire comptait sur les doigts d’une main - une seule. Puis, je me rappelai qu’il avait dit sympathique. Décidément.

Après une légère délibération je terminai par répondre d’un hochement de tête. « Pour ce que j’en sais, Hylla et moi sommes nées à Porto Rico. Nous vivions avec notre père. Nous n’avions pas beaucoup d’argent et vivions dans des quartiers difficiles. Très vite, Hylla devint une sorte de mère pour moi. Mon père avait sombré dans l’alcool et ne s’occupait pas de nous, ni du loyer. Quand je fus assez grande pour l’aider, on se débrouillait tant bien que mal pour survivre à tout cela. Finalement, un jour, après une dispute ma soeur a pris nos affaires et nous nous sommes enfuies. J’étais encore très jeune. Notre chemin croisa celui de Circée et Hylla sauta sur l’occasion pour nous sauver la vie à toutes les deux. Elle accepta sa proposition. Nous étions donc ses protégées et travaillions pour elle dans son Spa. Etrangement, Hylla voulait tout faire pour qu’on évite la guerre et les combats, elle voulait me protéger par dessus tout. Nous étions bien au Spa, personne ne nous embêtait, on vivait bien et confortablement. Jusqu’au jour où débarqua Percy et Annabeth. C’était il y a à peu près cinq ou six années. Circée avait transformé Percy en cochon d’inde. La fille d’Athéna n’a pas vraiment aimé cela. Pour ne pas entrer dans les détails, Percy a détruit le Spa et libéré Barbe-Noire qui nous a capturé Hylla et moi. Très vite, nous avions compris que pour survivre, il faudrait nous battre. C’était inné grâce à notre mère. Alors un jour, on s’est enfuie en se battant. Et après plusieurs jours, on s’est séparée. Hylla a rejoint les amazones et moi je ne souhaitais pas de cette vie-là. Un loup me trouva et j’ai rencontré Lupa. Passant les épreuves, j’ai finalement débarqué au camp Jupiter. Le reste de l’histoire tu la connais. » Je le regardai dans les yeux attendant ses commentaires, remarques, ou simplement les expressions qui se liraient sur son visage.

Le temps paraissait s’écouler lentement, très lentement. Mais c’était plaisant. Pas le genre où l’on prie pour qu’il avance - non là, au contraire, je souhaitais qu’il ralentisse. Étonnement, je prenais conscience que de côtoyer ce jeune homme restait visiblement une activité intéressante dans une journée et rafraichissante au possible.  Disons que cela changeait vraiment des longues journées à écouter les gens se plaindre, être plongée pendant des heures sur des papiers qui finissaient pas me coller un mal de tête monumental. Je l’avais voulu.

Mon ambition m’avait amené au plus haut, sans compter les qualités machine de guerre de ma mère dont j’avais hérité. Cependant, je n’étais pas une diplomate au début. C’était vraiment très dur. D’autant plus lorsque je me suis retrouvée seule. Et puis Jason et ses belles paroles sont arrivés. Il avait toujours eu ce don pour se faire écouter, c’était reposant d’avoir ce fier Romain à mes côtés. Mais il n’était pas resté longtemps. Quant à Percy, disons qu’il n’était pas vraiment fait pour la politique mais au moins il était juste et bon. Je n’oublierai jamais ceux qui avaient combattu tant de fois avec moi, qui m’avaient inspirés. A vrai dire, je pense que c’est pour eux que j’ai pris les commandes sans trop me poser de questions. A la base, je suis une guerrière pas du tout une femme qui aime se plonger dans des textes sans queue ni tête. J’ai toujours aimé le combat, devoir prouver sa force, son intelligence, être un chef de guerre. Ce que je suis à présent, seulement qui aurait pu prévoir qu’il y aurait tant à faire. Dans un sens, je suis fière de mon post, d’être là pour eux, d’être un modèle peut-être pour les enfants - mais j’ai diablement peur de me noyer.

Peur de tout perdre. D’être la plus grande honte dans toute l’histoire des Praetor des Romains. Je sais que je me dois d’être à la hauteur, mais c’est vraiment plus simple de s’imaginer en grand chef que de vraiment l’être, surtout quand on a des envies de meurtre assez souvent. Théo ne s’en rendait peut-être pas compte mais il me procurait le calme dont j’avais besoin - une façon de se ressourcer quelques temps. Le moment ou tu te dis c’est plus à moi de tout gérer, j’ai le droit de me reposer. Oui, parce qu’il faut encore se l’accorder. C’est difficilement faisable lorsqu’on est seul et quand on est à plusieurs, il faut accorder sa confiance à l’autre - ce qui est encore plus dur croyez-moi car derrière il y a des enjeux importants. Au final, ce n’est pas forcément une question de confiance envers l’autre mais envers nous-mêmes, ce qui nous ramène encore une fois sur la peur de l’échec.

Prendre toute la responsabilité pour nous-mêmes, un échec d’une autre personne deviendra le notre et pourra être la faille qui servira à nous anéantir. Voilà que je tombe dans la paranoïa. J’avais décidé d’éviter de parler boulot avec Théo, mais je crois bien que le Romain avait plusieurs choses à me reprocher dont mon impartialité qui pouvait se traduire par de la froideur voir de la tyrannie. Alors j’essayais de faire un effort et de lui faire comprendre ce que je ressentais moi-même et ce que je croyais être juste, pour le bien de Rome. Est-ce qu’il le comprendrait ? Tout ne dépendait que du fils d’Invida. C’était peut-être la première fois que je prenais le temps de m’expliquer réellement à ceux qui me critiquaient. Mais Théo cherchait à comprendre. Il m’avait enlevé à ma journée sans doute harassante comme toute les autres en me donnant un petite éternité de bonheur avec ses sandwichs faits maison.

Comment le repousser à présent ? Qu’importait Octave et les autres. On me donnait le droit d’être une simple jeune fille, il aurait fallu être fou pour refuser cette opportunité bien que dans un coin de ma tête je revoyais la pile qui m’attendait sur mon bureau. Je fronçai les sourcils à la mention d’Alison que j’avais reconnu sous l’ours. Avant de secouer la tête, non, ce n’était pas mon problème. Je n’avais pas la cape. « Tu te souviens, je n’ai pas de cape. » Je lui adressai un petit regard amusé, songeant à la pagaille que les Romains pouvaient créer lorsqu’ils ne s’entendaient pas et le pire, c’est qu’il pensait que je n’étais pas au courant des nombreuses disputes qu’il pouvait avoir lieu. Sérieusement, je n’étais pas idiote à croire que tous s’entendaient et marchaient main de la main.

Non, ce qui m’importait c’est qu’ils savent faire la différence avec une guerre. Le reste, c’était  à eux de gérer et à Kathleen et Thomas pour les dégâts. Mon sourire s’élargit rien qu’en pensant à la tête que devait faire mon amie en voyant certaines blessures, du moins ce qu’elle devait penser. Au moins, ils ne risquaient pas d’être en manque de patients. Je me tenais toujours informée de l’état de santé des légionnaires, ne serait-ce que pour éviter de donner un ordre assez idiot pour qu’on me réponde que la personne en question agonisait sur un lit à l’infirmerie. Ce serait assez humiliant. Et puis, ils étaient comme ... non pas mes enfants quand même, mais quelque chose dans ce genre-là. La suite me fit quelque peu mal. Il avait néanmoins raison. Je ne pouvais pas le contredire sur ce point-là. Ce ne serait plus pareil quand je reprendrai la cape. Je le savais au moins autant que lui et le regardait sans doute énormément.

Mon sourire quitta mes lèvres, alors que je détournais le regard en inspirant à fond. Le fils d’Invida pouvait vraiment faire mal avec ses paroles, ils avait touché le coeur de chaque débat. En principe, je ne pouvais pas le contredire et à quoi bon ? C’était ce qu’il ressentait, il était bien le seul à savoir du coup. Cependant, j’aurai peut-être aimé que tout reste comme maintenant avec lui et ses sandwich sur sa couverture, mais le problème resterait que j’étais quelqu’un avec ma cape et que les partisans n’attendraient pas que j’ai terminé mes petites vacances. Je ne pouvais même pas faire confiance à Octave pour qu’il n’ouvre pas un second front avec les Grecs en balançant un énorme connerie. Alors oui, Théo avait cruellement raison sur toute la ligne. Néanmoins, sa question pleine de joie, me fit retrouver un sourire en si peu de temps que j’en étais chamboulée.

Un petite rire clair s’échappa entre mes lèvres alors que je hochai la tête. « Oui, tu peux. » Tu auras au moins un souvenir. Oui c’était bien là ce que je pensais mais ce n’était nullement une tentative de l’acheter et de la ramener dans mon camp plutôt que celui d’Octave. Au diable ce maudit augure et ses manigances. Mon après-midi n’était pas encore terminé. Je relevai un sourcil, incrédule, « Mon air de Préteur qui contrôle le monde... hé tu y vas un peu fort. A vrai dire, non tu n’aurais sans doute pas aimé de voir... plutôt je n’aurais pas aimé qu’on me voit de cette manière-là. Nous étions jeunes, et en ce temps-là on croyait encore tout ce qu’on pouvait nous dire. Je me préfère maintenant. » Haussant les épaules avec un petit sourire moqueur « J’aime trop les garçons pour choisir un autre camp. » Changeant de ton et de regard, j’hésitai avant de me lancer, « Pourrais-je entendre la tienne ? » J’avais envie de connaître ce garçon capable de me faire changer d’humeur à  une vitesse impressionnante. C’était important pour moi.  

Ce devait bien être la première fois que je racontais une grande partie de ma vie à quelqu’un. Ou alors qu’on me posait simplement la question. Pour la majorité des personnes ceux qui ne me connaissaient pas avant le moment Reyna Praetor, je suis et bien je suis Reyna le préteur sévère. Mais heureusement pas pour tous. Par exemple Kathleen que j’ai côtoyé depuis le début, Thomas qui m’a presque vue grandir si je peux le dire. Mais c’est vrai que si j’avais dû sur la première personne à me demander ce qui m’était arrivée avant d’arriver au camp Jupiter, pas sûr que j’aurai dit Théo. Pour plusieurs raisons d’ailleurs, je pensais qu’il me méprisait et plaçait Octave sur un piédestal.

Apparemment il avait quand même l’air de m’apprécier pour vouloir me connaître tout de même. Ou alors tout cela n’est qu’un rêve et il essaie de me manipuler d’une manière ou d’une autre. Mais j’aimerais réellement que ce soit le contraire que je n’ai pas à me dire que finalement personne ne sera jamais proche de moi à ce point. Je me sentais bien capable de répondre à n’importe laquelle de ses questions qui pourraient être personnelles. Pourquoi ? Aucune idée. C’était sans doute là, la chose la plus étrange qui pouvait m’arriver. Me sentir prête à lui raconter ma vie dans les moindres détails, mes peines, mes peurs, j’avais l’impression qu’il pourrait tout entendre. Mais avait-il seulement envie d’entendre cela ? Malgré ce qui va se passer, je ne vais pas regretter de prendre du temps avec lui, pour lui.

Qui de mieux que Théo pour me rappeler que mes hommes ne sont pas des robots mais bien des personnes avec des sentiments et des attentes. C’est vraiment une bonne chose et je commence doucement à en prendre véritablement conscience ce qui n’est pas plus mal vu l’état des troupes en ce moment. Certains ne ressentent pas exactement les tensions mais d’autres y sont confrontés très souvent. Qu’allaient-ils devenir de la Nouvelle-Rome si la légion flanchait. Je n’aimais pas penser ainsi car un Romain se doit de toujours se penser victorieux. Un Romain ne renonce jamais. Mais tout de même si nous avions plus d’informations sur nos ennemis ça m’arrangeait beaucoup pour établir un bon plan de bataille et de défense, notre priorité en cas de guerre serait de protéger les civiles des envahisseurs.

En cela, les Grecs n’avaient pas le problème de la populace. Parfois je me demandais si à la fin de la guerre nous aurions affaire à des Grecs désireux de se joindre aux Romains présents dans les rues de la Nouvelle-Rome, après tout ils pourraient vivre en paix, alors qu’à la colonie ce ne serait pas exactement le meilleur lieu à moins qu’ils décident de créer un lieu pour les familles. A supposer que les demi-dieux atteignent cet âge-là ce qui n’a pas souvent été le cas. Mais qui sait, notre génération est différente, il est très aisé de le constater serait-ce là la réforme des demi-dieux. A voir. Un sourire sur mes lèvres en constatant le regard enjoué de Théo à la mention de la cape que je lui laissai. C’était vraiment agréable de le voir ainsi. Ce garçon est vraiment quelqu’un de bien.

« Prends en soin Théo. » Peut-être qu’il garderait la cape précieusement comme s’il ne voulait pas perdre ce qui naissait entre nous. J’aimerais beaucoup qu’il pense à cette possibilité, même si ce n’était qu’une cape. Mais pour moi elle signifiait beaucoup, d’abord ma confiance en lui. Je ne l’aurais pas donné à n’importe qui tout de même. Mes sourcils se froncèrent à la mention de mes ex praetor. Je n’aimais pas qu’on fasse mention d’eux, déjà parce que mes souvenirs liés à eux étaient plus bons. Jason avait un très bon camarade, nos quêtes s’étaient bien passées. J’avais toujours apprécié ce blond pour sa façon d’être, je pouvais compter sur lui pur guider le camp Romain sans craindre de ce qu’il adviendrait de tous si je mourrais. Quant à Percy, il avait cette façon d’être le héros alors que la plupart du temps lui-même ne savait pas ce qu’il faisait.

J’avoue que je n’aurais aimé le laisser seul au pouvoir mais à présent ça n’arriverait jamais. Ni même Frank. Malgré les lueurs d’espoirs de certains je ne pouvais que me dire qu’ils étaient morts. Que jamais on ne retrouverait nos héros. Il fallait bien se faire à l’idée que de nouveaux héros devaient voir le jour pour protéger nos camps et leur espérer un destin moins funeste. J’aurais aimé pouvoir partir à l’aventure comme je le faisais du temps que j’étais centurion mais malheureusement en tant que seule praetor ça m’est impossible de prétendre à ce qu’ils ont atteint finalement comme rang. J’écoutais à peine ce qu’il me disait parce qu’il venait de me perdre dans mes pensées et mes sentiments. Avais-je réellement aimé ces deux garçons ? Je ne ferais que mentir en disant que je n’avais rien ressenti pour eux, mais de l’amour non pas encore et heureusement.

J’avais été attiré fortement par leur puissance, leur façon d’être et sans aucun l’espoir - l’immense espoir - d’avoir enfin quelqu’un à mes cotés pour renverser la tendance. Vain et bête espoir. Je ne faisais plus d’idées à présent. Je relevais la tête alors qu’il commençait à parler de lui et de sa vie. Très intriguée je ne l’interrompais pas. Mes sourcils se froncèrent à la mention du prénom Quinn. Se pouvait-il qu’on pense bien à la même tous les deux ? Je notais mentalement de lui en parler après son récit. Une fois que ce fut fait, je pris quelques instants pour déclarer avec prudence « Dis-moi, ta cousine Quinn, sais-tu où elle est à présent ? Je ne veux pas te donner de faux espoirs mais... » je m’arrêtais pour le regarder dans les yeux, espérant ne pas me tromper de personne. « il se pourrait qu’une demi-déesse Grecque porte ce nom. Elle vient parfois ici et nous communiquons avec une de ses amies du nom de Lily. » Se pouvait-il que sa cousine soit cette fille d’Apollon ? Je n’avais jamais parlé d’autres choses qui ne concernaient pas nos deux camps respectifs mais s’il y avait une chance que Théo la retrouve pourquoi pas alors.

Je retrouvai l’image de la jeune femme dans ma tête et lui donnais quelques indications sur cette fille avec un petit espoir pour lui « Brune, des yeux bruns avec quelque éclats ambrés, assez grande... » Je scrutais son visage pour voir si cette fille pouvait lui dire quelque chose ou alors si ce n’était pas elle. En tout cas, si c’était le cas, j’en serais ravie. Après je déposais ma main sur son épaule, déterminée à commenter ses dernières paroles. « Théo, tu n’as pas à avoir honte de ton passé. Tu es un légionnaire et tu mérites d’appartenir à la troisième cohorte. » Un sourire presque affectueux sur les traits je poursuivais « Tu peux être fier du Romain que tu es devenu. Ta vie n’a pas été plus facile que la mienne tu sais, elle n’en est pas moins glorieuse. Tu es maître de ton destin qui sait peut-être as-tu l’âme d’un chef. » Je le couvris encore quelques instants du regard avant de me rendre compte que ça devenait trop affectueux et le détournais regardant l’herbe, c’est beau l’herbe.

L’ambiance restait relaxante malgré le fait que nous étions sensés à la base se montrer méfiants l’un envers l’autre - du moins c’est que mon instinct aurait voulu appliquer comme règlement surtout après notre altercation dans mon bureau. Cependant, je ne pouvais que remercier ma bonne étoile de m’amener un semblant de calme durant une journée. Il n’est jamais question de se faire porter pâle mais grâce à Théo, je n’éprouvais aucun remord à me prélasser dans l’herbe, à manger des sandwichs - sans doute très bons mais vu que je n’avais aucun talent culinaire impossible à dire. Par ailleurs, le temps me manque pour déguster de bons petits plats en principe je mange sur le pouce à la rigueur lorsqu’un événement important se passe alors là forcément il est marqué d’un bon repas auquel je prends part pas forcément par envie mais simplement parce que le préteur en l’occurrence moi, se doit d’être présent à ce genre de manifestations. Cela ne me dérange pas tant que ça, j’aime voir les légionnaires se détendre un peu. Comme lors de notre victoire avec ma sœur. C’était plaisant de la retrouver après tout ce temps. L’espoir que j’avais placé en Percy était grand à cet époque mais à présent ce n’était plus que des ruines. Il ne serait pas celui qui prendrait ma place. Est-ce donc tout ce que je peux espérer à présent ? Trouver celui ou celle qui sera capable de porter la légion sur ses épaules et qui me laissera prendre une retraite bien méritée ? Ai-je seulement envie de me retirer à tout juste vingt ans, j’en aurai parfaitement le droit évidemment.

Mais je me sens encore bien trop responsable de tous les légionnaires mais que les soldats, les enfants, les femmes et les hommes. Ils sont tous sous la responsabilité de la légion et c’est moi qui suis cheffe de guerre. A moi de les protéger, certes pas seule, j’en conviens n’être qu’un rouage comme tous les autres. A la seule différence qu’on me donne de l’importance car je possède un titre et un poids énorme sur les épaules. La moindre décision peut me faire tomber. J’en ai que trop conscience depuis que j’entends les messes basses, ceux qui jugent que je ne suis plus digne de mener Rome. Le pire dans tout cela, c’est que je les comprends. Je sais que j’ai pris les bonnes décisions. Cependant, ce sera encore et toujours ma faute quoiqu’il se passe. C’est moi qui envoie des Romains à la mort. C’est moi qui doit annoncer aux familles que leur fils, leur fille, leur père ou leur mère est morts en protégeant le camp tout entier et faisant honneur à leur devoir. Tout est entièrement de ma faute. C’est aussi ça être chef de guerre assumer et porter les remords de tous.

Je ne peux pas juger mais pour Hylla c’est un peu pareil à la différence que leurs règles sont extrêmement différentes. Peut-être qu’un jour un légionnaire se décidera à se démarquer et me défier. Bien que ce ne soit pas exactement dans notre code d’honneur. Est-ce que les autres le suivraient dans un coup d’état ? C’est fortement possible. Sans douter de la loyauté des légionnaires, les événements troublés en ces jours pourraient être le catalyseur d’une révolution voir un putsch. Et qui serais-je pour les traiter de traitres ? Le problème, c’est que je crains la dissolution de la légion si effectivement des fossés se creusent entre les Romains. Il me semble qu’avoir une guerre civile serait la pire chose qui pourrait arriver en ce moment alors que nous tentons de créer une paix et une amitié avec les Grecs, cherchons tous ensembles les sept disparus. Ce serait dramatique et la fin de toute paix. Une guerre intérieure. Rien que cette idée me fait frissonner. Mon influence ne suffirait pas à apaiser ce genre d’action. Il n’y aurait pas d’autres moyens que de se battre pour rétablir un semblant d’ordre dans les rangs.

Thomas avait peut-être raison. Pas peut-être. Ce père a sans aucun doute raison sur la guerre. Mais c’est la seule que je sais faire, il en était sans doute de même pour Mélodie. Et elle est morte. Ce qui m’a donné ma chance. Je ne lui ai jamais demandé s’il m’en voulait. A vrai dire, je ne préférais pas savoir. Après tout, à ma place, c’est elle qui aurait dû se trouver. Elle aurait été plus en sécurité et plus à même d’aimer son fils. Pourrais-je aspirer à une vie de famille moi aussi ? J’ai beau éprouvé de l’affection pour le petit Elliott, je ne crains pas avoir les qualités pour être mère du moins pas tant que j’aurai des légionnaires sous ma responsabilité. Qui choisirait la légion alors qu’il a une famille à protéger. Malheureusement, j’aurai peur de ma réaction si on me disait que c’était soit la légion soit ma famille. Pourrais-je choisir ? Une mère choisirait ses enfants sans hésiter quitte à tuer le triple de personnes. Une mère devrait choisir ses enfants mais dans le cas à avoir d’autres innocents sous les bras. Non, le choix ne se ferait pas, car dans une telle situation ceux qui oseraient protéger ceci ne voudraient pas tuer qu’une ou deux personnes, ils tueraient tout le monde qu’importe la décision qu’une personne prendrait pour sauver un groupe ou l’autre. Respirant doucement, je chassais ses idées de mon esprit. Décidément l’air frai ne m’aidait pas vraiment à arrêter de penser aux scénarios catastrophes.

Mon regard se posa à nouveau sur Théo, que j’avais finalement évité en craignant de me faire passer pour une personne faible. Ce serait mentir que de dire que je n’ai jamais éprouvé une certaine affection pour quelques personnes, des proches en particulier bien que je ne puisse faire autrement que d’aimer chaque membre de notre communauté. Le problème restait mes sentiments que je sentais en présence du fils d’Invida. Bien sûr ceux-ci jouaient aux montagnes russes. Parfois, j’étais vraiment en colère et pas que contre lui mais contre ma propre personne sur ce que je pensais en le voyant dans ma tête, derrière mes paupières, aux paroles échangées et bien d’autres raisons. Et d’autres fois, je ne pouvais que me contenter d’être sur ce petit nuage et me détendre cesser d’être sur mes gardes. Je ne pouvais nier mon affection effectivement. Je l’appréciais. Par sa manière d’être, un garçon simple sans artifice, qui se fichait dans le fond d’être jugé, qui disait tout ce qu’il pensait quoiqu’il se passe qu’importe le grade de la personne en face de lui. Un garçon simple... pas exactement c’est vrai. A vrai dire, plus je le côtoyais plus je le trouvais complexe car justement il ne se comportait pas du tout comme tous les autres garçons à qui j’ai eu affaire. Mes yeux ne loupèrent pas l’éclat dans ses yeux, sa manière de bouger la tête...

Théo timide ? Étonnant. Et non je ne vais pas dire le premier adjectif qui m’est venue à l’esprit ça ne se fait pas. Un sourire sur les lèvres amusé par cette réaction je ne pouvais qu’acquiescer évidemment. « Bien sûr, je te ferai chercher lors de notre prochaine rencontre. » Je ne pouvais pas lui dire non et puis que ce n’était pas non plus des réunions top-secrètes, il avait bien le droit d’être présent surtout si ça pouvait lui permettre de retrouver sa cousine. Je pourrais aussi toujours voir ce qu’il pensait des paroles échangées. Son esprit ne manquait pas d’être vif d’après nos récentes conversations, sûre qu’il trouverait quelque à redire sur pleins de points. Ce serait intéressant. Et puis, il fallait quand même bien que je lui dise puisque c’était vrai et à mon avis il en serait content. « J’ai confiance en toi. » Et c’était vrai. Tant pis pour l’instinct de survie. Je préférais simplement suivre ce que me disait un autre organe. Théo avait beau être beaucoup trop proche d’Octave et écouter ses idées, je ne pouvais pas nier le fait qu’en ce jour, je me voyais lui donner ma vie comme bonne garde. Je gardais un sourire sur mes lèvres. Un de ceux qui viennent tout seul sans qu’on n’y pense réellement.

Mes sourcils se froncèrent à la mention des garçons qui sont plus forts que les filles. Ben voyons ! Ah donc s’il pense comme ça, on verra bien qui est le plus fort. D’un mouvement rapide, je le renversais me postant au-dessus de lui, à califourchon pour être plus exacte, mes mains maintenant au sol ses épaules. Ma tête à quelques centimètres de lui. « Ah oui ? Les garçons sont plus forts que les filles ? » Un sourire victorieux sur mes traits, je laissais mon esprit de compétition légèrement enfantin me gagner. « Tu peux encore retirer tes paroles. » affirmais avec un petit sourire taquin, maintenant ma prise sur lui sans me soucier de notre position légèrement troublante. Avant de me rappeler de toutes ses paroles légèrement déstabilisantes, « Et si un jour tu aurais l’ambition de devenir centurion sache que ce n’est pas moi qui choisirait à ta place. Le choix vient tout d’abord sur légionnaire, son état d’esprit à se démarquer suffisamment pour que je le remarque. Après il y a toujours ceux qui ne s’y attendent pas et ils font très souvent partis des meilleurs. » Je me reculai un peu, constatant que nous étions un peu trop proche mais je n’avais pas dans l’idée de le relâcher avant de l’entendre capituler.

Était-ce vraiment possible de ressentir une gêne comparable à celle qui coulait dans mes veines à mesure que de petites taches rouges coloraient mes joues. Mon corps prenait que trop conscience d’être si proche du sien, alors que c’était la limite - la ligne à ne pas franchir. Et pourtant en ce moment-là, elle semblait terriblement proche comme si je m’approchais d’un feu qui risquait bien évidemment de me brûler de se heurter à ma peau et la dévorer sans me demander mon avis. Je restais bloquée, mon regard dans le sien, son souffle atteignant une partie de mon visage. Attention danger devrait se dire une personne comme moi surtout vu nos antécédents mais je ne pouvais pas m’empêcher de me trouver ridicule. Combien de fois avais-je roulé au sol lors d’un combat que ce soit avec la gente masculine ou féminine. Alors même avec Théo, ça ne devrait pas poser problème mais pourtant si. Était-ce à cause de nos rapports plutôt houleux ou pour une autre raison, je n’étais pas réellement en mesure de répondre à mes propres interrogations. Forcément, je devais bien être la seule à réagir de cette manière, mais c’était instinctif, en ce moment je ne contrôlais strictement rien et encore moins mes pensées qui se plaisaient à partir dans tous les sens.

Bon sang, qu’est-ce qui m’avait pris d’agir comme ça ? Comme une enfant qui tente de prouver sa supériorité. Pourtant ce n’était pas exactement ça, disons que ce n’était pas si simple. Théo m’avait provoqué. Bien sûr amicalement, ce n’était qu’un jeu. Alors j’ai réagi à ce jeu. Mes yeux jusqu’alors pétillaient de malice, à présent un reflet incertain tremblait dans mes prunelles qui se fondaient parfaitement dans les siennes. Me mordant la lèvre, je constatais tout d’abord qu’il n’en était pas forcément gêné et cela me soulageait d’une part. J’étais bien la seule à m’imaginer tout un tas de choses. C’était sans doute mieux ainsi. Le légionnaire semblait même en colère pour une raison qui me dépassait. L’avais-je blessé en le mettant en quelque sorte à ma merci.

Pourtant au départ, Théo s’amusait de me titiller avec cette phrase comme quoi les hommes seraient meilleures que les femmes. Sornettes. Mais là, en colère, ma prise se relâcha légèrement car j’étais intriguée et déroutée par ce brusque changement de comportement. Pourtant avant que je ne puisse me justifier ou tenter une toute autre approche, qui pour le coup me fit oublier le sentiment de gêne. Je me laissais glisser sur le côté pour le libérer, étant moi-même mal à l’aise par sa réaction, je ne pensais qu’il pourrait être blessé ou honteux à cette idée-là. D’ailleurs, plusieurs idées me venaient en tête pour expliquer cette réaction et aucune ne me plaisait. Alors je préférais me décaler plus loin de lui , tout en cherchant son regard, légèrement soucieuse. « Je suis désolée, je voulais pas te blesser... » lui murmurais-je, en cherchant son regard. « Et puis, je t’ai eu par surprise, ça ne compte pas. » continuais-je avec un léger sourire destiné à détendre l’atmosphère mais il faut croire que ce n’était pas vraiment le moment et lui faire le coup de mais non t’en fais pas tu es le meilleur n’était clairement pas ce qu’il souhaitait entendre bien que pour l’effet de surprise c’était bel et bien vrai. Plutôt que de chercher une manière de me rattraper, je préférais attraper sa main d’un geste assez mal assuré, serrant légèrement mes doigts dans les siens, gardant un sourire timide sur mes traits. Je ne sais pas pourquoi je ressentais une telle bouffée de chaleur, mais je n’avais pas envie de me poser la question. « Viens rentrons, Théo. » Lui dis-je doucement avec un léger sourire, l’entrainant avec moi vers le camp à nouveau.

Sa main dans la mienne, je refusais de la lâcher pour le moment jusqu’au abord du camps. Là, je détachais doucement ma prise. Ressentant déjà un manque de chaleur qui provenait de lui. « Merci pour ce repas. C’était parfait. » lui chuchotais-je avant de m’éloigner, en le saluant. En sachant pertinemment que tout allait recommencer comme avant. lui de son côté et moi du mien, avec un énorme écart - une crevasse même - entre nous deux, empêchant tout rapprochement. Dans un sens, cette pensée était rassurante mais de l’autre, j’avais envie de le revoir encore. A chaque fois que je le revoyais, nos rencontres me semblaient de plus en plus déroutantes et toutes aussi étranges les unes que les autres. Jamais une seule ne se passait exactement comme prévu. Impossible à prévoir, ce qui procurait une agréable fraicheur au final. Je lui jetai un dernier regard avant de tourner les talons vers mes prochaines affaires. Je m’arrêtai sur quelques détails sur son visage, ses yeux en particuliers avant de finalement le perdre de vue avec un léger vide en moi. Il me manquait presque. Un petit ricanement m’échappa. C’était bien le comble ça et pourtant, je ne pouvais nier le fait que le fils d’Invida, par sa seule présence, me procurait un sentiment d’apaisement certain jusqu’à la prochaine dispute évidemment. Oui, parce qu’il s’agissait aussi d’un lot qui venait avec Théo, deux pour le prix d’un.

D’un côté le calme, la paix, un certain bonheur et de l’autre côté la colère, la tristesse. Un garçon surprenant et qui d’après moi savait plutôt bien manier les mots pour arriver à ses fins. Non pas que je le vois comme un manipulateur, ce ne serait vraiment pas une bonne caractéristique pour le définir. Il n’est pas ainsi et j’en suis certaine. Une raison peut-être pour lesquelles que je le laisse approcher et m’emmener hors du camps sans rechigner ou presque, rien n’est jamais très simple faut dire. Mais ces moments passés avec lui me prouve clairement qu’il n’est pas comme Octave malgré le fait qu’il est proche du fils d’Apollon, jamais je ne pourrais les mêler ou les mettre dans le même tas. Ils sont différents. Et j’en suis heureuse car si je ressentais les mêmes choses pour l’augure pas sûre que j’apprécie fortement ce genre d’idées. Sauf que je ne pouvais rien changer, ni me battre sur ce que Théo pourrait penser de moi ou même ce maudit fils d’Apollon voir tous les autres Romains. Chacun peut penser ce qu’il veut. En me tournant une dernière fois avant de reprendre le chemin vers le tas de travail qui n’attendait que moi, je fixai son dos avec quelques remords sur le fait que je ne puisse pas passer plus de temps avec lui sans me sentir coupable de quoique ce soit. Ébouriffant mes cheveux d’une main, je devais impérativement chasser ce garçon de mes pensées, oui c’était la seule chose à faire, me remettre au travail.