T'es mon seul espoir ne rate pas ton coup [Kath]

14 Novembre.

Le ciel était gris ce matin, et mon humeur semblait y être assortie. Depuis le réveil, je pensais à la dernière quête, et principalement au paysage que nous avions vu là-bas, à Rome. Je n’étais jamais allée dans ce coin du monde, accompagnée par des demi-dieux. Oh, j’avais eu l’occasion par le passé, de quitter le pays, aux côtés de ma mère, mais jamais encore, le séjour ne s’était passé ainsi. Encore heureux d’ailleurs, parce que je voyais mal ma mère, si douce, si féminine et si aérienne, se perdre dans les tréfonds d’une quête dont nous nous étions sortis sans trop savoir comment. Elle aurait bien été capable de faire face à un monstre en lui demandant son chemin d’un air à la fois convaincu, et éternellement calme. Oui, maman avait ce petit je  ne sais quoi qui donnait l’impression qu’elle pouvait tout obtenir parce qu’elle  pensait y avoir le droit. Ce n’était pas tout à fait de l’orgueil, ou de l’égocentrisme, mais plutôt une manière d’être qu’elle pensait être la seule possible. Avoir été adulée pendant plus de 20 ans, ça doit offrir ce genre de léger problème caractériel. J’y avais été habituée très tôt, et au final, je pensais que tout cela – cette conduite – était normal. Donc, je n’étais jamais choquée par certaines de ses extravagances. Quand elle me demandait si je voulais bien lui faire des œufs brouillés, alors que je ne savais même pas ce dont il s’agissait, mais que je voyais dans son regard que l’idée même que je refuse – alors ne parlons pas du fait que je puisse ne pas savoir ce que c’est – lui était étrangère, je finissais par lui sourire doucement, et acquiescer. Elle était comme ça maman. Dans son monde, dans ses songes, mais elle brillait tellement, et offrait une confiance parfois aveugle, qu’elle poussait les gens à faire de leur mieux. Conclusion, je faisais aujourd’hui des œufs brouillés quasiment parfaits.

Pourquoi je pensais à cela aujourd’hui ? Aucune idée. Surtout que j’étais partie pour penser à Rome, et à la quête en compagnie de Marcus et Liam. Ces deux-là sont aussi différents l’un de l’autre que peuvent être l’eau et l’huile. Même si pour le coup, je ne saurais dire qui est l’eau de qui est l’huile. Peu importe, ils ne m’en voudront pas de ne pouvoir les associer à un liquide. Cette pensée me fit sourire légèrement, alors que quelqu’un s’installait sur un des lits de l’infirmerie. Quand Théo se manifesta, je tournais la tête vers lui, avec un pale sourire doux. Qui s’effaça bien vite lorsqu’il m’expliqua son problème. Un peu étonnée, je m’approchais de lui, en lui offrant un « bonjour » sincère.  Théo redressa son t-shirt, sans l’enlever, et je fronçais les sourcils devant le bleu qui commençait à apparaitre, et qui allait bientôt se muer en hématome. Redressant la tête pour croiser le regard du romain, je haussais un sourcil quelque peu inquisiteur. « Quand tu parles du Grizzli, tu évoques Alison, je suppose ? » Je m’approchais ensuite suffisamment près pour pouvoir le toucher, mais je n’en fis rien, préférant me pencher pour examiner la couleur qui était en train d’apparaitre. C’était du joli. Je savais qu’Alison possédait une force parfois plus importante que la plupart des romains, et il m’arrivait d’en constater les dégâts par moi-même quand elle laissait la colère prédominer dans son être. Le souci, c’est qu’en général, il y avait davantage de sang à visualiser. Ici, il semblerait que Théo n’ait reçu qu’un coup presque banal dirais-je, quand on sait que son adversaire était Ali. Alors, soit, la demoiselle n’avait pas été profondément énervée, soit, Théo ne lui semblait digne d’aucun intérêt – pauvre garçon – ou encore, dernière possibilité qui s’affichait dans mon esprit : Alison faisait des progrès. Cette troisième option me laissa presque songeuse quant aux bienfaits que cela pouvait apporter à la jeune fille. Elle qui, même si elle ne l’avouerait jamais, se sent fautive lorsque quelqu’un est blessé, parce que cela signifie parfois qu’elle ne peut réfréner l’ours. Ali avait essayé de m’expliquer la lutte, et l’union à la fois de son côté humain, et son côté animal, et j’avais retenu ses paroles, leur trouvant une réelle importance. A présent, je constatais de visu qu’il était possible que ce soit l’humaine qui se soit vengée et non l’animal. Enfin, vengée… Cela dépendait si… « Théo ? Est-ce que tu as fait quelque chose à Alison ? Je ne lui connais pas d’attaque directe, en général. » C’était vrai, et je pensais que ça avait un rapport avec l’ours. Puisque dans le cycle animal, il n’y avait pas de confrontation pure, c’est-à-dire sans raison apparente, j’avais fini par croire qu’Ali n’attaquait les autres qu’en cas de légitime défense, ou par vengeance. Mais après tout, je peux me tromper. Ali n’est pas un ours, elle est humaine, et que les deux facettes de son être se mêlent aussi étroitement, indiquait que l’une comme l’autre, pouvait pousser la seconde à agir comme la première aurait fait. Ce n’était pas très clair, mais dans mon esprit, les choses étaient limpides.

J’observais donc le visage de Théo à ma question, puis baissais de nouveau les yeux sur sa blessure. « Allonge-toi. » Ce qu’il faut savoir avec mon don, c’est qu’il n’est pas parfait. Je sais que par rapport à quelques années en arrière, il s’est mis à croître, à devenir plus puissant, et plus précis. Mais ce n’est pas pour autant qu’il m’est possible de soigner tout et n’importe quoi. Je ne suis pas un dieu, et encore heureux, parce que les vrais, eux, risqueraient d’en prendre ombrage. Donc, il avait bien fallu que je m’informe, que je m’éduque sur le corps humain, les maladies, les fractures, et autres joyeusetés qui ne manquaient pas d’images dans les livres scolaires. En clair, s’il avait quelque chose de cassé, autant que je me rende compte de ce dont il s’agissait avant de faire agir mon don. Sans compter que s’il avait une hémorragie, peu importe que je referme ses chairs, le sang serait toujours présent. Ah oui, je n’avais pas encore le pouvoir de faire disparaitre les liquides à l’intérieur d’un corps, étonnant, non ? Bref, je me concentrais sur le torse de Théo, ne le voyant absolument pas comme une personne – un garçon avec ses charmes – mais totalement, comme un patient. C’est ce qu’il se produisait toujours avec moi, lors d’une consultation. Je ne voyais plus la personne, mais plutôt son problème. Ce qui, au passage, m’arrangeait bien, vu combien je n’affectionne pas les contacts. Là, j’avançais ma main droite sur son torse, et le prévins : « Je vais palper, dis-moi, si ça te fait mal. » Et je commençais, tantôt avec douceur, tantôt avec plus de fermeté.

A sa réponse, je me retins de lever les yeux au ciel. Plus par respecte pour le garçon qu’autre chose. Parce que ses paroles ressemblaient bien à du Théo. Je le connaissais depuis un moment maintenant, et je devais bien avouer que cette légère amitié me donnait envie de lui taper l’arrière de la tête pour ce qu’il avait dit. En un sens, j’étais plus à l’aise avec certaines personnes, mais il y avait fallu pour ça faire montre d’une grande dose de patience. Je ne sais pas si Théo s’était jamais rendu compte de mon problème, et si oui, peut-être qu’il s’en fichait, tout simplement. Le garçon ne semblait pas réellement accorder d’importance à ce genre de choses. Sauf si cela concernait Reyna, mais ça c’était une autre histoire, et si jamais il voulait en discuter, et bien, je lui offrirais l’oreille dont il a besoin parfois. Ça avait déjà été le cas par le passé, mais je me doutais que Théo n’affectionnait pas beaucoup d’expliquer ce qu’il pouvait ressentir ou non. A dire vrai, personne à la Nouvelle Rome n’appréciait vraiment de se confier, et c’était assez flagrant. A croire qu’être romain obligeait les gens à devenir plus forts en ne disant rien, en restant loyaux, et honnêtes, solidaires et organisés. Bref, tout plein de trucs super sérieux qui convainquaient qu’un romain pouvait avoir un balai dans le derrière. Je comprenais que certains grecs puissent penser que nous étions trop coincés. Mais cela faisait également notre puissance. Les légions romaines étaient connues à travers les époques et ce n’était pas pour rien. Nos ancêtres nous avaient transmis leurs valeurs, et si certains pouvaient s’en moquer, et bien, je préférais les respecter pour ma part. Question de point de vue sans doute. Après, je pouvais comprendre que quelques personnes ne soient pas en mesure de supporter la sévérité de la légion. Ce n’était pas toujours facile, c’est vrai.

Pour ce qui était de la réponse de Théo concernant Alison, autant il m’avait fait lever les yeux au ciel devant ses pitreries, autant je ne pouvais m’empêcher de lui trouver un petit côté enfantin. Ce n’était pas méchant, disons plutôt que ça détendait un peu. N’y tenant plus, je lui tapotais la tête rapidement, sans accentuer le geste et répondis. « Tu ne serais pas du genre à faire un peu dans la mauvaise foi, Théo ? » Je haussais un sourcil inquisiteur, prouvant par là que je n’étais pas dupe, et que son cinéma ne fonctionnait pas avec moi. Il y avait tant de monde qui passait sur mes lits – à ne pas imaginer n’importe quoi – qu’il m’était difficile de croire encore à la sincérité pure. Parce que lorsque vous avez Liam ou Isaiah qui vous regardent dans les yeux en essayant de vous faire gober une excuse à la noix alors que vous les avez clairement vus escalader les toits romains, ça vous donne une assez bonne idée de tout ce que les gens peuvent raconter. Et je ne comptais pas les enfants qui arrivaient de temps en temps en pensant qu’ils tentant de me faire croire qu’ils avaient un truc de cassé pour ne pas avoir à aller subir l’entraînement de Reyna. Oui, mon amie avait beau être adorable, elle pouvait se montrer quelque peu sévère de temps à autre. Oh, un coup à prendre. Après, on est habitué. Donc oui, il y avait des patients de tout âge, et je peux dire que les excuses étaient plus nombreuses les unes que les autres.

J’entrepris donc de vérifier s’il avait une hémorragie ou quelque chose de casser quand môssieur décida de faire sa chochotte et de tomber au sol. Mais qu’est-ce qu’il avait fabriqué ? A peine je l’avais palpé, qu’il basculait par-dessus le lit pour m’engueuler, une fois au sol. Inquiète, je fis rapidement le tour du lit, et me mis à genoux, pour passer un de ses bras autour de mes épaules, réprimant mes frissons, et tentais de le redresser. C’était difficile ce genre de gestes, mais si Théo était blessé, et avait aggravé ses blessures en tombant, il était hors de question que je le laisse au sol comme ça. C’était trop dangereux. « Arrête de faire ton andouille, et relève toi. Je dois t’ausculter Théo, et pour ça, je dois vérifier que tu n’as pas d’hémorragie interne. » Je frissonnais encore une fois, fermant les paupières avec force pour ne pas faire de conneries. J’aidais de mon mieux Théo à reprendre place sur le lit, et repris ma place de l’autre côté. « Essaye de ne pas bouger, s’il te plait ? » Peut-être qu’il était plus sensible que je ne l’avais cru. « Ou alors, je devrais peut-être dire à Reyna que tu ne tiens pas la route ? » Une petite plaisanterie pouvait toujours aider, sait-on jamais. Ah moins qu’il ne considère cela comme une provocation ? Dans le doute, j’ajoutais un petit sourire malin à mes lèvres, pour qu’il ne prenne pas la mouche.

J’appréciais Théo, combien même il pouvait être parfois une tête de mule, aussi bien qu’un joyeux luron à la gaffe déroutante. Autant il pouvait faire montre d’une loyauté et d’une force mentale certaine, autant il arrivait que je sois surprise par ses agissements. Et je ne faisais pas référence uniquement à Reyna. Bon, il est vrai que lorsqu’on en venait à aborder ce sujet, Théo pouvait se montrer quelque peu étrange et pas tout à fait serein d’esprit. Mais en soi, je trouvais cela plus qu’intéressant. Il voyait en elle une perso dure, puissante, probablement moralisatrice à sa manière, mais je savais qu’au fond, il l’appréciait. Quelque part dans sa poitrine – on se demande où, hé hé – il y avait une facette de lui qui souriait devant les qualités de la jeune fille. Je me doutais qu’il grognait beaucoup, mais qu’il restait en mesure de lire le courage de Reyna, sa générosité et son dévouement. Après, possible que ça l’agace tout ça. En fait, il était impossible de suivre véritablement les pensées du garçon vis-à-vis de notre prêteur. A dire vrai, j’avais envie de sourire, un peu amusée par sa façon d’agir, de se tenir et de parler à propos d’elle. J’en restais surprise et tout de même amusée, encore une fois. Je ne riais pas de lui, attention, ce n’était pas dans mon genre et Théo n’avait rien fait pour ça. Mais disons que je restais doucement moqueuse, sans exagérer néanmoins. Après tout, être témoin de ce genre d’évènements, ça a quelque chose d’inimaginable, d’étonnant, presque d’incroyable en fait. Je ne sais pas s’il avait conscience que ses agissements portaient quelque peu à confusion, et qu’on pouvait s’imaginer des choses, si seulement nous étions capables de lire entre les lignes, ou tout simplement, d’écouter. Je ne veux pas dire que j’étais plus douée que les autres, bien au contraire, mais Théo avait déjà, par le passé, laissé échapper quelques mots de ce genre, et j’avais l’impression incontrôlable qu’il y avait plus. Oh, je ne parlais pas d’amour, je n’étais ni idiote, ni naïve, et ces affaires de cœur que l’on peut croiser au détour d’une allée au Camp ne me regardaient pas. Sans compter que je n’étais pas moi-même très douée en amour. Je n’avais jamais eu de relations amoureuses et une part de moi me souffle quelque fois que j’en serais probablement incapable. On dit que le temps guérit tout, qu’il adoucit les épreuves passées, qu’il les efface même quand on a un peu de chance, mais il faut croire que je n’avais pas dû trouver mon quota de trèfles à quatre feuilles ces derniers temps. J’aurais aimé perdre la mémoire pour être sincère, être apte à oublier tout ce qu’il s’était passé et me rendait aussi faible et fragile. Je détestais cette sensation de ne pas contrôler mon corps dès qu’on s’approchait un peu trop. Et encore, j’avais tout de même l’impression d’avoir fait des progrès au court des années. Là où je n’acceptais pas moins d’un mètre de distance autrefois, j’arrivais à présent, à me contrôler lorsqu’on s’approchait. Bon, j’étais tout de même tremblante et le cœur battant à tout rompre. Ne parlons pas non plus du souffle qui se coupe, les frissons dans le dos, et les pensées qui n’ont plus rien de cohérent.

« On va voir cela. Si c’est grave ou non. » Mon regard se concentrait sur son abdomen à présent qu’il voulait bien se tenir tranquille sur le lit, sans faire son andouille. « Reyna est ce qu’elle est, tu la connais bien depuis le temps. » J’avais dit cela distraitement, même si je croyais en mes propos. Théo la connaissait, plus qu’elle-même ne le pensait, plus que lui-même ne le pensait. Que pourrais-je dire d’autre de toute façon ? Théo appréciait Reyna autant qu’elle était capable de l’agacer. Voilà pourquoi le scénario pouvait être amusant autant que surprenant. Mais encore une fois, ce n’était pas à moi de parler de ces choses-là. Je préférais écouter s’il en avait besoin, et me taire s’il préférait que je garde le silence. Concentrée à ma tâche, j’arrêtais de palper, avant de réfléchir. Il n’avait pas crié devant mes gestes – je ne comptais pas son détour sur le sol comme une réaction normale – donc j’en concluais qu’il n’y avait pas d’hémorragie interne. Rassurée sur ce point, parce que le cas contraire aurait entrainé une ouverture de son ventre, chose que je n’affectionnais guère, j’inspirais profondément. Il était temps que je guérisse ce garçon un peu ronchon.

« Est-ce que tu l’apprécies ? » Question à cent mille dollars, si ce n’est plus. Je ne sais pas si j’allais le surprendre avec cette interrogation, mais il me fallait la poser. « Tiens-toi tranquille, je vais te guérir. » Je le laissais allongé sur le lit et plaçais mes mains au-dessus de son ventre, là où le coup l’avait atteint. Fermant les yeux, je pris cependant le temps de réfléchir à nouveau à tout ce qu’il venait de dire. « Attends… Vous avez pique-niquez ensemble ? » Je rouvrais les yeux sous la surprise que cela entrainait dans mon esprit, et croisais son regard. « Okay, peu importe, cela ne me regarde pas. » Et je refermais les paupières, prête à agir. Doucement, je me laissais aller au calme, à la sérénité, cherchant au creux de moi cet endroit où se trouvait la magie. Nous n’étions pas dans un film d’Harry Potter, c’est vrai mais je considérais ce pouvoir que j’avais comme étant un concentré de magie, peu importe que je ne puisse pas jeter des sorts, au sens propre du terme. Lentement, mon don se mit en marche, la chaleur quittant mes mains pour venir se glisser dans le corps de Théo. Je respirais doucement, contrôlant le don pour qu’il agisse comme je l’entendais.

Une fois installée devant mon ordinateur, les yeux virevoltant entre la page blanche – à moitié blanche, à dire vrai – du document word, et le sujet auquel je souhaite répondre, une constatation phénoménale vint s’imposer à mon esprit tordu. Le fait que la plupart des sujets de Kathleen se passe à l’infirmerie. Oh, vous me direz, quoi de plus normal venant d’une demoiselle possédant le don de guérison ? Et bien, moi, je dis non. Je dis NON aux abus de pouvoir, aux mains qui servent de radiateur, aux glandus qui se cognent par ci, par-là, et qui même des fois, tombent du lit – hum hum – bref, aujourd’hui, j’annonce la grande manifestation de la propriétaire de Kath’. Ah, ah, ça vous en bouche un coin celle-là, hein ? Vous l’aviez pas vu venir ? Et ben, toc ! Et qui dit plus de guérisseuse, dit, plus de blessés. En clair, vous avez intérêt à ne pas vous casser quelque chose, ou ça va barder pour votre matricule. Je viendrais directement dans votre boite à mp pour la spamer de conneries, plus… connes les unes que les autres, histoires de pouvoir faire entrer un peu d’instinct protecteur envers vos personnages. Parce que oui, il serait de bon ton – merci Captain Hook – de ne pas oublier que ce sont vos bébés, et qu’il serait cool de ne pas les mutiler de tout côté. Après, effectivement, il y a aussi le fait que sans médecin, le lieu de l’infirmerie finirait par tomber en décrépitude, et ça, personne ne le veut. Non Liam, personne ne veut ça. Il irait travailler où Thomas après, hein ? Bref, on ne peut pas supprimer le lieu, ni les médecins, mais on peut laisser les rpgistes rêver à de meilleurs lendemains. Un futur où les problèmes seraient moindres, et où les héros de leurs histoires iraient mieux. Un avenir prônant la sécurité de ces personnages à qui, on impose tout, et qui n’ont aucun moyen de se rebeller. Est-ce que Théo avait envie de tomber du lit ? Et bien, moi, je dis non. Est-ce qu’Aphrodite avait envie d’être appelée pour vérifier que tout va bien ? Je ne pense pas. Mais on ne leur donne pas le choix, et comme ils n’ont pas de comité de soutien, ni de numéros verts, les voilà dépendants, et en clair, vu le mental des rpgistes, complètement foutus. Enjoy.

Reprenons. Le « je » va de nouveau appartenir à Kathleen, voulez-vous. Donc, voilà, Théo passait à la casserole. Sur ce sujet incroyable, et si intense que représente Reyna. La demoiselle, aka prêteur sévère et bienveillant de la légion, semble être aux yeux du garçon à la fois une énigme et la raison d’un agacement certain. Je n’aimerais pas me trouver dans son esprit, parce qu’il y avait des risques qu’à chaque fois qu’il se pose des questions quant à sa prêteur, il soit en passe de perdre la raison. Je n’irais tout de même pas dire qu’il viendrait à friser la folie, mais sachant qu’un garçon à la concentration émotionnelle digne d’une petite cuillère – merci RonRon – il faut admettre que toute cette incompréhension lisible dans son regard devait le faire tourner en bourrique. L’espace d’un instant, je fus soulagée de ne rien éprouver de tel pour qui que ce soit. Juste avant qu’une autre petite voix me rappelle que l’amour rend plus fort, soulage, répare et pousse à déployer des ailes invisibles. Après, encore une fois, je ne voulais pas parler d’amour à leur sujet, mais on ne pouvait passer outre le fait qu’il y avait une réelle tension entre eux deux. Après, dire qu’il s’agissait là d’un sentiment amoureux, c’était peut-être un peu prématuré. Je savais que l’avenir nous en dirait davantage, là où le présent se trouvait encore avare d’informations.

« Nous avons déjà eu l’occasion de parler de toi, oui. Mais je ne te dirais pas ce qu’elle dit, tout comme je ne répète pas ce que tu dis ici. » Il était question de respect envers chacun d’entre eux, et nous pourrons toujours avancer l’idée qu’étant médecin, le secret médical était de rigueur. Je n’y croyais pas moi-même, mais voilà. Ils parlaient, et je n’allais pas révéler leurs pensées à d’autres personnes. « Et puis, pour ce qui est d’elle… Malheureusement Reyna a un grand poids sur les épaules. Être prêteur, ça équivaut à protéger la vie de tous. La tienne, mais également ceux des habitants de la Nouvelle Rome, et je pense que ça ne doit pas être toujours simple pour elle. » J’osais un sourire doux, en croisant son regard. « C’est pour ça que je te remercie de lui avoir offert l’instant d’un pique nique. Ca a dû lui faire du bien. » J’étais sincère. Connaissant la demoiselle, ce genre de moments presque tout simples, elle avait dû le savourer, et en profiter réellement. J’en étais donc reconnaissante envers Théo de lui avoir permis de s’aérer l’esprit quelques temps, chose dont elle avait plus que besoin, si elle voulait mettre autant d’énergie dans sa quête de protection de tous. A présent, il était également temps que Théo comprenne les responsabilités de la fille de Bellone, et qu’il la soutienne parce que Reyna en avait incroyablement besoin. Me concentrant sur mon don, avant de répondre, je pris quelques minutes pour user de mon don, afin de refermer les chairs du garçon. Une fois cela fait, j’inspirais profondément, et reculais d’un pas, pour lui permettre de se rhabiller. Son torse irait parfaitement bien, enfin, tant qu’il ne faisait pas d’autres bêtises. « Donc, nous disions… » Je passais la main sur mon visage pour ôter les traces de fatigue qu’avait pu provoquer l’utilisation de mon don, et pris le temps de répondre à sa question. « Je pense qu’elle a besoin de personnes dignes de confiance, qui peuvent se montrer présentes pour elle, en lui permettant de penser à autre chose. Reyna oublie parfois qu’elle était une fille, un être humain, et pas seulement un prêteur. Mais il y a tant sur ses épaules, qu’elle passe à côté de ce dont elle a besoin. Si tu te sens capable de l’aider à décompresser, sans te mettre en travers de son chemin de prêteur, alors tu seras sur la bonne voie. Reyna a un cœur, tu sais. Enfin, tu n’as pas l’air de le croire toujours… » La dernière phrase, je l’avais dite avec une pointe d’humour moqueur, parce qu’il s’octroyer le droit de se moquer et de critiquer les valeurs, les actions, et la façon d’être de son prêteur, mais lui-même semblait oublier que tout cela représentait une personne entière. Qu’il ne pouvait pas choisir une seule facette de la demoiselle, mais qu’il devait l’accepter toute entière. On aime les gens, en apprenant à aimer aussi bien les qualités que les défauts, aussi bien ce qui peut nous agacer que nous séduire. Sinon, il n’y a pas d’intérêt, pas de joie, pas de challenge, et surtout, aucun échange.

Théo me montrait une facette de lui qu’il ne m’était pas donné souvent de pouvoir observer. C’était assez… Amusant, à dire vrai. Parce que le garçon s’offrait sans détour, avec sentiments, et intensité. Je n’étais pas sûre qu’il s’en rende compte lui-même, à dire vrai. Je n’étais pas non plus certaine que mes présomptions soient tout à fait exactes. Si cela se trouve, je me fourvoyais. Et Théo n’était pas amoureux de Reyna. Mais lire à travers les lignes n’avait beau ne pas être ma spécialité, le garçon était tout de même sensible à tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à la prêteur. Hum, intéressant, je dois dire. L’engouement dont il faisait preuve à l’énoncé du pique-nique ne laissait place qu’à peu de doutes, selon moi. Mais encore une fois, les choses de la vie ne m’étaient pas communes, et je ne pouvais me permettre d’établir des hypothèses sans autre preuve que cette façon qu’a Théo de parler de Reyna. Il était un peu trop hasardeux de faire ce genre de choses, parce que les choses de l’amour sont hasardeuses elles-mêmes. Il n’y a pas de science exacte une fois que l’on aborde les sentiments, et encore moins ceux aussi forts que le sont l’Amour et la Haine. Oui, je comptais la haine également, parce qu’à mes yeux, il est possible d’haïr une personne autant que de l’aimer, et ce, avec la même intensité. Mais encore heureux, il n’était pas question de haine entre eux deux, loin de là même. Parfois de l’incompréhension, du doute, et probablement de la colère aussi, mais pas de haine, grands dieux non. Est-ce que Théo savait ce qu’il éprouvait ? Là était la question. Enfin, l’une des questions. Mais l’avenir nous confiera très certainement le dénouement de leur histoire naissante, ni histoire nous pouvions dire qu’il y avait. Encore un terme un peu nébuleux pour ce début de quelque chose. Est-ce qu’un pique-nique est au moins, un rendez-vous ? Je n’étais pas coutumière des termes de ce genre, ni des us et coutumes de ce type de relations, mais il me semblait bien qu’il était question de rendez-vous en effet. Grand bien leur fasse. Reyna en avait besoin, et Théo avait besoin de Reyna, ne serait-ce que pour s’assagir un peu. Sans compter que la jeune fille semblait être devenue à ses yeux comme une mission personnelle, un défi de la faire sourire et de la rendre un peu plus humaine. Encore une fois, c’était intéressant. Attention, ils n’étaient pas une expérience quelconque sur laquelle je m’octroie un droit de regard, pas du tout. Déjà, je n’étais pas ainsi, et ensuite, je ne les considérais pas de cette façon. Théo savait être sérieux, mais la présence de Reyna à ses côtés serait prolifique, et vice-versa. A n’en pas douter. Si on se penchait un peu sur les caractères des deux jeunes gens, il est vrai que l’on pouvait reconnaitre une certaine accointance qui pourrait être bénéfique. Mais là encore, je n’avais pas envie de les examiner comme s’ils n’étaient que deux êtres un peu fous dont les agissements peuvent créer la surprise. Reyna était mon amie, enfin je l’espérais, et je voulais son bien. Si Théo était capable de lui offrir quelques instants d’évasion dont elle avait cruellement besoin, et bien, il avait ma bénédiction. Pas qu’il en ait besoin non plus. Ni de celle de quiconque, connaissant légèrement le garçon. Il était une telle tête de mule qu’à la première épreuve, je l’imaginais bien lever le menton avec une certaine fierté, et affronter ce qui lui faisait face. Surtout s’il s’agissait de conquérir Reyna au bout. Oui, une petite voix me soufflait que c’était bien ça.

« Un cinéma ? » Je ne pus m’empêcher de sourire quelque peu, n’imaginant pas du tout notre prêteur dans un tel contexte. « Si tu arrives à l’emmener dans un tel lieu, je te devrais une faveur. » Oh que oui, s’il était capable de la rendre suffisamment à l’aise pour l’emmener en ville, au point qu’elle accepte d’aller au cinéma, je remplirais une de ses demandes. Levant la main pour l’empêcher de répondre tout de suite, j’ajoutais : « Attention, ce n’est pas un pari. Mais un remerciement. » Il était nécessaire qu’il ne soit pas pousser par mes propos, mais par sa volonté propre. A dire vrai, je me doutais que ce serait le cas. Théo semblait être vraiment animé d’une détermination qui faisait briller ses prunelles. Et j’en étais admirative quelque part. Parce que je ne possédais rien de tout cela. Il n’y avait dans mon cœur, rien d’aussi pur que ce qu’il semblait y avoir dans le sien. Je n’étais pas jalouse, oh que non, mais il me fallait bien ouvrir les yeux de temps à autre, sur cette sècheresse qui me laissait comme froide, ou presque… Désespérée. A sa mesure. Pas de larmes, après tout, pas de cris, ni d’hystérie. J’étais tout simplement vide d’Amour, vide de ce genre de bons sentiments capables de faire battre le cœur avec tant d’intensité et de dessiner des ailes dans le dos. Mais j’étais heureuse que cela semble se profiler dans l’avenir de Théo, parce que j’en avais vu le pouvoir, et les nombreuses possibilités. Ah, je sais, pas de présomptions. Il faudrait attendre et observer en silence, sans rien ajouter, sans en parler à quiconque, parce qu’il s’agissait là d’une affaire qui ne me regardait aucunement, en définitive. « Purement stratégique, hein ? C’est une manière de voir les choses qui te ressemble bien, Théo. »