Fleur aux pétales d'or, répands ta magie. [Ft. Evan]

Vif. Brûlant. Douloureux. Ou pas ? Il était rapide, certes, mais ses coups ne suffisaient pas à lui faire perdre la tête. La jeune fille tenait bon, le laissant faire, parce qu’après tout, une droite ou deux, c’est pas grand-chose, non ? Pas quand on est responsables de la mort d’un bon nombre d’adolescents. En somme, c’était un peu comme si elle l’avait bien mérité son passage à tabac. Un gémissement s’échappa de ses lèvres alors que le poing s’enfonçait dans ses côtes. Charlie sentait un filet de sang couler au coin de sa bouche, et finalement, elle ne se concentra plus que sur ça. Pour tout oublier.

Pourtant, les choses avaient bien commencé. La journée avait été un peu longue à la colo, et les copains de son frangin avaient squatté l’atelier. Alor que Matthew n'avait pas donné signe de vie depuis presque cinq jours. Mais il y avait trop de bruits, trop de rires, elle n’avait pas réussi à tenir. Charlie ne parlait pas beaucoup déjà à la base, mais là, elle avait carrément eu l’impression d’être virée de son endroit. Son lieu. Son havre de paix. Elle ne leur en tenait pas rigueur, elle savait que le problème venait d’elle. Rentrant au bungalow dans l’idée de prendre une douche pour se délasser, elle jeta un coup d’œil à son lit, puis hésita. Se reposer serait si bon… Et semblait tellement tentant qu’elle avait du mal à lutter contre son envie. Juste quelques minutes… Rien qu’un instant, cela ne lui ferait pas de mal, non ? Les cauchemars n’auraient pas le temps d’apparaitre, n’est-ce pas ? A moitié rassurée par cette idée, elle sentait néanmoins les affres du sommeil l’engourdir peu à peu. Charlie ne dormait pas assez. Inspirant profondément, elle alla rejoindre le lit et s’y allongea avec un soupir d’aise non contrôlé. C’était doux, et réellement agréable. Remonter la couverture ne fit qu’accentuer l’impression de bien-être qui l’enveloppait doucement. Et lorsqu’elle ferma les yeux, il n’y avait plus aucun doute sur le fait de se reposer, rien qui aurait pu la faire encore hésiter à rejoindre les bras de Morphée. Ce ne fut qu’au moment où elle perçut les premiers cris qu’elle comprit. Une enfant hurlait dans l’une des pièces les plus éloignées mais ses pieds ne bougeaient pas. C’était comme si elle était prise dans le sol, coincée, immobilisée et parfaitement incapable de lui venir en aide. La sueur perlait son front sous les flammes qui grandissaient autour d’elle. Elle avait chaud, mais elle s’en foutait de cramer dans un brasier à la con. Tout ce qu’elle voulait, c’était aller la chercher, et la tirer de là. Charlie commença à crier après la gamine, hurlant son prénom encore et encore, ses appels étant entrecoupés d’une toux sèche. La fumée l’empêchait de respirer, et même garder les yeux ouverts semblait impossible. Des larmes perlaient au coin de ses yeux, et sa voix s’éteignait peu à peu.

Et soudain, elle se réveilla. Un grognement s’éleva dans la pièce, alors qu’elle se passait distraitement la main sur le visage. « Putain… » Sa peau était moite, son souffle court, et sa gorge était sèche. Désagréable. Foutrement désagréable. Rapidement, elle quitta le lit, jetant un coup d’œil à l’horloge du bungalow. 20h approchait, et cela n’avait donc rien d’anormal que personne ne se trouve là. A dire vrai, elle préférait nettement que personne ne soit témoin de ses troubles du sommeil. Déjà que Matthew devait s’en douter… Charlie détestait le rendre inquiet. Pas lui. Elle l’aimait trop pour ça. Alors pourquoi ne lui avait-il pas dit qu'il partait ? Chassant ses pensées négatives, elle alla prendre une douche et effacer toutes les traces de son cauchemar. Un jeans près du corps, une brassière noire, par-dessus laquelle elle enfila un débardeur blanc aux manches larges qui laissaient voir la brassière. Elle ajouta à ça de petites bottines noires, et attrapa sa veste pour rejoindre l’atelier. Tout le monde devait être au feu de camp pour le repas du soir, et pour le coup, ça l’arrangeait bien. Les clefs de sa moto en main, elle fit rouler la bécane sur une centaine de mètres, avant de la démarrer. Certains pourraient peut-être l’entendre, mais ils seraient trop loin pour l’arrêter. Charlie se glissa à travers les arbres, connaissant le chemin le moins risqué par cœur. Pas le moment d’abîmer son bébé. Rejoignant la route la plus proche, ce ne fut pas long avant de récupérer celle qui menait à la Grosse Pomme. Déjà les premières lumières de la ville se profilaient à l’horizon, de quoi attiser son envie de liberté. Elle accéléra la cadence, sentant le vent contre ses bras nus. Ouais, la veste avait rejoint le porte bagage. Arrivant aux abords d’une boite branchée, elle gara sa moto, et la fit entrer dans un garage spécialisé. Le premier qui touchait à sa machine risquait vraiment de ne pas voir le jour se lever. Et ses indications furent suffisamment claires pour que quiconque comprenne le danger que cela représentait.

Il était presque 22h à présent quand la jeune fille entra dans la boite, s’installant dans le coin réservé au bar. Trop tôt pour danser, mais suffisamment pour boire. Et ça, ça faisait un bail qu’elle ne l’avait pas fait. Passant le temps comme elle le pouvait, elle enchaina les boissons, et les discussions avec le barman et quelques habitués. Lorsque vint le moment de danser, elle ne résista pas longtemps et se perdit dans la foule hétéroclite. C’était bon de ne plus penser à rien, de s’oublier totalement. Malheureusement, il faut croire qu’elle n’était pas douée socialement avec un verre de trop. Bon, pas qu’elle soit douée tout court, mais visiblement, ce fut pire. Charlie refusa les avances d’un mec, et de son copain de manière un peu trop rude – le terme exact était plutôt franche, mais c’est un détail – et les éconduire ne devait pas être une bonne idée. Parce qu’en sortant pour prendre un peu l’air avant d’y retourner, elle ne tarda pas à tomber sur les deux débiles dans une des ruelles adjacentes. Résister et se défendre ne lui vint même pas à l’esprit, supportant chacun des coups. C’était à la fois foutrement douloureux et étrangement salvateur. Un bon mélange clairement incompréhensible, mais là encore, ce n’était pas comme si ça l’intéressait. Et puis, le coup suivant l’empêcha de penser clairement. Enfin, plus clairement que l’alcool le lui permettait.