Une tartine au nutella ? [Elliott]

23 Février.

Elliott devait être en train de jouer à cache-cache quand il avait disparu des radars. Alex ne voyait que cette explication pour comprendre comment on pouvait paumer un gamin de cinq ans. Maugréant dans sa barbe inexistante, elle errait à travers la Nouvelle Rome comme un fantôme sans joie aucune sur le visage. En fait, elle balisait pas mal, c’était le cas de le dire. Parce qu’en général – bon en fait jamais – ce n’était pas elle qui se chargeait de retrouver le garçon. Alors pourquoi le faisait-elle aujourd’hui ? Tout simplement parce qu’on ne le trouvait pas. Quand elle avait entendu cette annonce entre Thomas et une autre personne, elle avait senti sa gorge s’assécher, mais ne s’était pas manifestée auprès du jeune homme. Non, elle ne voulait pas qu’il se rende compte que cette nouvelle l’inquiétait et que donc, elle n’était pas aussi insensible au devenir d’Elliott qu’elle le laissait croire. En même temps, ce n’était pas sa faute à elle s’il y avait autant de gens autour du gamin. Elliott était plus surveillé que la Reine D’Angleterre, c’est pour dire ! Mais là, on ne sait pas comment, il était tout de même parvenu à échapper à ses baby-sitters habituels. Alex ne savait pas s’il se trouvait avec Sara, Reyna, Cameron, Thomas ou même les grands parents d’un côté ou d’un autre, au moment de son jeu, de sa fuite ou elle ne savait quoi, mais ça lui donnait envie de gronder. Surtout que ce gamin était loin d’être débile, comme elle avait pu le constater en l’observant discrètement, et il était suffisamment malin pour échapper au flair de Sara, à l’intelligence de Reyna et à la connaissance que son père avait de lui pour rester invisible aux yeux de tous. En clair, c’était la merde. Et elle n’aimait pas ça.

Oh, tout le monde n’était pas au courant, hein, loin de là, mais il était possible que Thomas finisse par en avertir tous les soldats malgré la réticence certaine qu’il aurait de faire ça. Si ça se trouve, même Reyna n’était pas encore au courant. Soupirant, la fille de Bacchus continua à marcher à travers la Nouvelle Rome en essayant de penser comme un enfant de 5 ans. Mais voilà, aussi folle qu’elle pouvait être parfois, il n’était pas donné à tout le monde d’atteindre une mentalité aussi jeune, aussi rapidement, surtout pour la simple fonction de trouver où on se cache quand on est un petit garçon. Ah. Ah. La demoiselle laissait son regard farfouiller partout, et finalement, elle s’engagea du côté du Sénat. Elle n’avait pas grand espoir de le trouver là, parce qu’elle était certaine que Thomas lui avait déjà fait la leçon. En effet, ce n’était pas un lieu où les habitants pouvaient aller et venir comme bon leur semblait. Surtout lorsqu’il y avait des réunions entre les sénateurs, ou tout autre gradé de ce genre. Mais sait-on jamais, et pour avoir le cœur plus léger – ça reste à voir – elle décida d’y faire un tour quand même. Alex passa plus de temps à essayer de se faire discrète pour que personne ne la grille qu’à véritablement chercher le garçon. Mais quand elle remarqua enfin la petite silhouette cachée derrière un banc dans une grande salle de réunion, son sang ne fit qu’un tour. Bordel, il y avait une séance dans cette pièce ! Et il était là à écouter comme si de rien n’était. Alex se figea près de la porte, son corps caché par le mur, et se demanda comment attirer l’attention du gamin. Se mettant à quatre pattes dans le couloir, elle commença à faire des signes le visant lui, en espérant qu’il finisse par tourner la tête vers elle. Allez quoi… Qu’il la tourne sa tête, avant de se faire tirer les oreilles par tous les vieux de la Nouvelle Rome.

« Allez Elliott, s’il te plait. » Murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour qu’on la démasque. Enfin bon, vu la position qu’elle avait adopté dans ce couloir austère, il y avait de quoi risquer son matricule, hein. Mais elle préféra ne pas penser à ce genre de choses et continua à faire des signes, jusqu’à ce qu’il tourne ENFIN la tête vers elle. Là, elle mit son index devant sa bouche pour lui signifier de ne pas faire de bruits, et indiqua la table centrale de son doigt ensuite, histoire de lui faire comprendre de faire attention et de rester discret.

La vie n'était que source d'ennui pour le petit Fawkes. Il pouvait réellement chercher comment s'occuper, il ne trouvait jamais rien pour la simple et unique raison que rien lui plaisait. Jouer aux petits légionnaires? Nah trop fait de fois pour y  trouver encore du plaisir. Allez conquérir la Nouvelle-Rome avec son épée de bois? Les adultes se prenaient très peu au jeu et ça l'énervait un peu. Il ne pouvait pas rien faire sans avoir un regard compatissant de la part d'un adulte, l'air de dire: Pauvre gamin, il est seul et il ne sait pas quoi faire, il est mignon, tout mignon. Alors ça frustrait le petit blond. Non, il n’était pas mignon. Non il n’était pas comme ça. Ce n’était pas lui. Il était un redoutable guerrier et n'en déplaise à personne, il allait le prouver. Mais ça ne se faisait pas de le regarder avec des yeux de merlan frits, c'était de l'insulter purement et simplement. Alors, il allait prouver à tout le monde qu'il pouvait être différent des autres. Il allait prouver à ses adultes qui le regardaient comme s'il était trop petit pour prouver sa valeur. Il allait jouer à un jeu et il allait gagner. Cette fois, il serait le plus fort et personne n'y trouverait à redire. Parce que personne ne pourrait le trouver. Il allait gagner cette fois et il savait qu'il allait faire peur à tout le monde en disparaissant de la sorte, mais il s'en foutait. Parce que ce n'était pas du tout important. Prouver sa valeur était la chose la plus importante qui soit pour lui. Pas le reste. Il était un futur légionnaire, pas une poupée de chiffon. Personne n’avait le droit de prendre Elliott en pitié, je dis bien personne. Même pas son père. Il allait devenir le meilleur légionnaire et ça allait commencer là tout de suite.


Elliott savait que ce n’était pas la meilleure des idées de fausser compagnie à son père, mais ce n’était pas nécessairement dit que ce n’était pas facile de le faire. En moins de deux, Elliott avait réussi à échapper à la surveillance de son paternel au moyen d’une corde faites avec des draps, oui ce gamin était très intelligent et aussi très débrouillard parfois alors il lui arrivait d’avoir des éclairs de génie de ce genre. Donc disons simplement qu’une fois que ce fut fait, il se dirigeait vers le paradis sur Terre selon lui. L’endroit où les grands du camp se réunissaient pour parler de choses sérieuses. Et Elliott voulait participer à ce genre de réunion mais bien entendu, si on le voyait, on allait s’empresser de le regarder encore avec des yeux de merlan frit et de lui dire que sa place était avec ses jouets chez son papa là où il s’ennuyait. Alors, il était arrivé d’avance pour pouvoir se cacher sous la table. Fallait croire que les romains n’étaient pas de ce genre à vérifier les dessous de table parce que personne ne se rendit compte qu’il était là. Et en silence, il attendit… il ne faisait rien d’autre qu’attendre parce qu’il savait qu’il ne devait que faire ça. Et écouter. Et il adorait tout ce qu’il entendait. Il ne voyait pas du tout le temps passer. Et c’était tout simplement magique pour lui. Alors pourquoi est-ce qu’à un moment, il avait senti des yeux sur lui? Pourquoi à un moment, il avait cru que quelqu’un le regardait. Alors qu’il se retournait… il croisa le regard d’Alex… et alors qu’il allait dire quelque chose, elle lui fit signe de se taire. Oh… oh c’est vrai, il y avait des gens au-dessus. Fronçant les sourcils, il se rappela que la réunion allait se finir d’un instant à l’autre. D’un signe, il fit comprendre à Alex de se barrer que ça allait finir dans moins d’une minute. Et puis comme il lui faisait comprendre ça, il entendit le raclement des chaises. Il se ferma donc les yeux et se roula en boule sur le sol. Attendant la suite.

Quand elle comprit que les adultes en avaient bientôt terminé – merci la gestuelle approximative d’un gamin de 5 ans – Alex se sentit blanchir. Elle quitta aussitôt son emplacement qui n’avait rien d’une cachette – non se poster dans un couloir, ce n’est pas se cacher – et alla se carapater dans un coin. Donc, les toilettes. Là, elle grimpa dans une des cabines pour que ses pieds ne dépassent pas, oui elle avait vu ça dans un film une fois, et attendit que le temps passe. Quand elle ne perçut plus aucun bruit dans le couloir, elle sortit de là le plus discrètement possible et posa son oreille contre la porte des toilettes. Avant de passer la tête pour observer le coin, qui semblait à présent désert. Ouf. Le cœur réellement soulagé, parce que bon sang, pour un simple soldat comme elle, se faire prendre ici, ce ne serait pas bon du tout, la jeune femme se glissa jusqu’à la pièce qu’elle avait quitté un peu plus tôt. Inspirant profondément, elle tendit l’oreille, mais n’entendit que le bruissement de vêtements que l’on traîne sur le sol. Convaincue – sans savoir pourquoi – qu’il s’agissait d’Elliott, elle fit son apparition dans la pièce, pile au moment où il se mettait debout. Là, elle planta ses mains sur ses hanches en le fixant d’un air vide.

Le truc, c’est que le gamin ne la connaissait pas. Il ne savait pas qui elle était, donc ne savait pas qu’elle était une amie de sa mère, ne savait pas qu’elle lui avait offert une de ses peluches, et surtout, il ne savait pas que parfois, elle le surveillait de loin quand il se trouvait avec d’autres personnes que son père. Réflexe de combattante, elle ne savait même pas pourquoi elle faisait ça. Enfin si, par respect pour la mémoire de Mélodie, mais une petite voix dans son esprit lui soufflait que c’était un peu étrange de pousser la chose aussi loin quand même. Maugréant contre elle-même, Alex fit taire la fameuse petite voix et garda ses yeux clairs et inquisiteurs posés sur Elliott. « Jeune homme, je peux savoir ce que vous faites là ? » Tant qu’à rester une totale inconnue, autant jouer la carte du soldat à fond, non ? Avec sa chance, Elliott se sentirait tellement nerveux, qu’il ne dirait rien à son père, et qu’il ne la décrirait donc pas. Hé hé, son plan était parfaitement parfait. Elle était géniale.

Le petit garçon – oui, quand tu es haut comme trois pommes, tu es petit – s’avança un peu vers elle, la mine doucement boudeuse, avant de lui offrir un petit regard malicieux. Genre le chat dans Shrek quoi. Et comme Alex n’avait pas l’habitude des gamins, mais qu’elle n’était pas stupide non plus, elle se douta qu’il allait faire quelque chose. Le seul truc, c’est qu’on ne l’avait pas du tout briefé en terme de combats comme un minimoy. D’un coup, Elliott prit ses jambes à son cou, et elle se retrouva comme une con, devant la salle, alors qu’il échappait à sa main. Les yeux écarquillés, la jeune femme se mit à sa poursuite, se traitant mentalement d’imbécile, avant de le rattraper, et de le chopper à la taille. Là, elle parla direct, avant qu’il n’ait une idée géniale comme crier « Ne dis rien, on sort de là. Et après seulement, tu pourras piquer ta crise si tu veux. » Oui, elle ne savait pas comment s’y prendre, et dans les films, les enfants ne font que pleurer, et demander des trucs que les parents n’avaient pas les moyens d’acheter. Le gardant comme un sac à patates sur l’épaule, la jeune femme entreprit donc de quitter les lieux. Bon pour ça, faudrait juste être discrets quoi.

Elliott avait vraiment eu peur de se faire surprendre alors qu'il était sous la table. Il ne pensait pas que c'était quelque chose à risque, mais en fait, ce l'était réellement. Pendant que tous les adultes se levaient, il avait du vraiment faire attention pour ne pas recevoir de coup et surtout pour ne pas être touché parce qu'il savait trop bien que ça allait mal se passer si ça arrivait pour lui. Alors, il se contentait simplement de se faire tout petit sur le sol en espérant que personne n'échappe quelque chose. Bon d'accord, il y avait quand même une nappe sur la table et qui couvrait un peu pour ne pas trop que l'on voit, même si quand on se penchait, on pouvait voir dessous comme pouvait l'avoir fait Alex, mais bien sûr, il ne savait pas du tout si quelqu'un d'autre allait avoir la même idée. Alors, quand il entendit quelqu'un échapper un cartable, il sursauta, mais il resta silencieux et ne bougea pas. Pour sa plus grande chance, il ne vit pas que la personne l'avait échappé à l'entrée de la porte et qu'elle ne le verrait donc pas. En entendant la porte se refermer derrière lui, il ne put retenir un soupir de soulagement et sortit de sa cachette. Il avait adoré faire ça et allait certainement recommencer bientôt.

Alors que le petit garçon sortait de sa cachette, la porte s'ouvrit à nouveau. Et là il se figea avant de voir la dame qui l'avait averti tout à l'heure... Il se détendit alors aussitôt et respirai lentement et normalement. Il n'avait rien à craindre non? Elle l'aurait dénoncé sinon et il savait que ce ne serait pas aussi facile qu'il le croyait, mais il s'en était bien tiré pour le moment alors il ne fallait pas trop s'en faire, rien n'était perdu. Du moins, il le pensait. Il offrit son plus beau sourire à la dame pour ne pas qu'elle le gronde et se prépara à lui sortir une raison toute faite. À chaque fois qu'il faisait ça avec son papa, ça marchait du coup, il n'avait rien à craindre. Mais cette dame n'était pas son papa. Alors, il savait que ça avait des chances de ne pas le faire, mais pourquoi ne pas l'essayer? Et lorsqu'elle lui demanda ce qu'il faisait là, il s'avança vers elle, l'air piteux et honteux avant de relever les yeux vers les siens et de rigoler... et de se mettre à courir, lui échappant. Non, il n'allait pas dire à cette dame ce qu'il faisait là. Il pensait bien la semer, mais elle était plus grande que lui et l'attrapa. Il tenta de se débattre, mais peine perdue, il ne pouvait pas le faire. Et là il grogna avant d'afficher une moue boudeuse. « Je pleure pas moi. Je suis un guerrier et les guerriers ça pleure pas.» Il l'avait quand même dit en chuchotant, la preuve qu'il pouvait obéir parfois. Et il la laissa faire le sac de patate avec lui, regardant son derrière sans le vouloir, bah quoi, il était pervers précoce, juste que c'était un des seuls trucs qu'il voyait, et ne fit aucun bruit jusqu'à ce qu'il croise un soldat... qui leur demanda ce qu'ils faisaient là. Alors, l'âme chevaleresque du petit homme s'alluma en lui et il gigota. « C'est moi monsieur, j'ai faussé compagnie à la dame qui est là, elle devait me surveiller, mais je voulais jouer à la cachette. J'étais trop bien caché..»Il fit semblant de verser une larme. « Je pensais qu'elle me trouverait jamais, alors je suis partie la chercher, mais je la trouvais pas. J'avais peur...» Oui, Elliott profitait un peu de son âge parfois pour se sortir du pétrin.

Après réflexion, ce qu’elle venait de faire s’apparentait quand même pas mal à un kidnapping si la définition qu’elle connaissait était la bonne. Parce que « voler » un enfant en le choppant par la taille pour le porter sur son épaule comme un sac à patates, avant de se sauver pour que personne ne les voit, ça avait tout du dernier film à la mode. Sauf qu’évidemment, elle ne connaissait pas la fin, et que pour le coup, elle espérait surtout que le final ne se ferait pas en prison, avec elle pour rôle principal. Avec sa chance, le garçon allait se mettre à hurler, et allait rameuter tous les plus sages de la Nouvelle Rome, qui se retrouvaient ici pour les affaires à la fois urgentes, et importantes. Bon, même les affaires qui l’étaient un peu moins, hein, du moment que ça concernait la ville.

Quand il lui rétorqua qu’il était un guerrier, et donc qu’il ne pleurait pas, Alex leva les yeux au ciel. « Les guerriers pleurent aussi, tête de pioche. Seulement, ils ne pleurent pas pour rien. » Ce n’était pas une faiblesse de pleurer, et s’il gardait ses idées machos à son âge, et beh, on n’était pas sorti de l’auberge pour les années à venir. Du coup, elle s’était un peu moquer, mais disons qu’elle avait plutôt été à la fois sèche et blasée. Comme un garçon de cinq ans pouvait-il vouloir déjà être un guerrier ? Okay, elle adorait l’être elle-même, mais c’était surtout parce qu’elle avait commencé à 7 ans, qu’elle n’avait aucun souvenir de sa vie d’avant et que donc, la Légion avait représenté une famille pour elle. Mais Elliott ? Tout le monde était accroc au gamin, les filles surtout. Et il avait un père et des grands-parents encore en vie. Il était cajolé et adoré. Non, décidemment, on avait dû lui rabâcher les oreilles avec des histoires sur sa mère, et voilà qu’il venait à rêver d’être un guerrier à son tour.

Alex se figea lorsqu’ils tombèrent sur un soldat, et envisagea instinctivement de se mettre à courir. Oui, comme une gamine, c’est vrai. Mais l’enfant prit les devants et parla avec le soldat, en se redressant un peu contre elle, histoire de voir l’homme à qui il parlait, sans avoir la tête en bas. Du coup, un peu gênée par ses explications et surtout par son jeu d’acteur, elle le reposa au sol, avant de faire un sourire d’excuse au soldat. « Cela ne se reproduira plus, je ferai attention. » Bon sang, qu’est-ce qu’il lui prenait à Elliott de mentir ainsi ? Attrapant sa main, elle sortit rapidement de l’établissement, en le trainant derrière elle. Là, elle ne s’arrêta pas et l’amena à plusieurs dizaines de mètres, avant de se planter devant lui, les bras croisés. Et non, elle ne se baisserait pas pour être à sa hauteur, non mais. « Dis-donc, ça te prend souvent de mentir aux gens ? Tu sais que ça ne se fait pas dans la Légion ? Un guerrier ne ment pas. » Sous-entendant clairement que s’il visait ce rêve, et bien, il avait tout intérêt à faire attention à sa conduite sinon ses fesses pourraient en pâtir.