Maya ~ Le vent souffle où il veut, tu l'entends mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va.

Je suis née dans un petit village de Norvège, là où les montagnes rencontrent la mer. Deux vents différents se croisent, l'un plus sauvage que l'autre, le vent qui souffle sur la montagne et les landes et celui qui parcourt les océans et les mers. À peine née, m'a mère m'a emmené à l'ouest du Canada, pour me confier à ma tante.

Nous avons vécu dans une petite maison en haut d'une colline au bord de la mer située à un kilomètre du village le plus proche. J'ai su monter à cheval avant de marcher. Enfin "su" c'est un grand mot. Ma tante avait une jument, pas du plus jeune âge certes, mais en excellente forme, elle s'appelait Vinti. Elle me mettait sur son dos et dirigeait Vinti le long de la plage ou alors elle s'asseyait derrière moi pour qu'on monte ensemble. J'étais trop jeune à l'époque pour m'en souvenir mais c'est elle qui m'a racontée ça, apparemment j'appréciais beaucoup. Plus tard j'ai appris à monter et bon sang, j'adorais ça. Ma tante était une excellente cavalière, les chevaux lui fessaient parfaitement confiance. Elle travaillait avec tout ce qui touchait ce domaine. Elle pouvait les débourrer, soigner ou tout simplement s'occuper d'eux. Moi j'allais dans la petite école du village où l'on parlait français. Je n'avais pas d'amis, j'étais de nature solitaire et toujours la tête ailleurs à rêvasser. La dyslexie n'aidait pas et je n'arrivais pas à rester assise dans une sale de classe. Je rentrais de l'école et tout de suite je sortais Vinti et on allait faire des balades extraordinaires sur la plage ou dans la montagne. Avez vous déjà galopé ? Ressenti cette liberté ? Ça me rendait euphorique.  

"Il galope comme saute une gazelle, un dauphin, passe un oiseau à tire d'aile. File le vent. L'avez-vous, dans l'oreille, cette cavale à trois temps ? Comme valse et polka. Sous vos pieds, la sentez-vous qui tremble et qui résonne ? Comme un grondement de volcan. Savez-vous qu'il manque de prendre son envol ? Au quatrième temps. C'est le silence du galop. Le cheval, suspendu dans les airs, retombe au pas suivant, sur terre."

Je n'avais pas besoin de plus, ma vie me semblait parfaite, et elle l'était.

Et puis un jour Vinti est morte en mettant bas une belle pouliche. Je décidée qu'elle s'appellerai Brise. Ma tante et moi avions le cœur brisé, Vinti fut enterrée et ma tante déclara qu'elle avait eu une belle existence et qu'elle était morte en donnant vie. Maintenant, c'était à nous de nous occuper de Brise et faire en sorte qu'elle soit heureuse tout comme sa mère. J'avais dix ans à l'époque.

Avec l'aide de ma mère j'ai débourrée Brise et grâce à mon jeune âge et donc ma petite taille j'ai pu la monter relativement tôt. Et puis, j'ai un peu honte de le dire mais tan pis, ma vie était encore meilleure qu'avec Vinti. Brise et moi étions tellement proches, un lien invisible nous unissait. Je crois que je me répète mais cette sensation de liberté quand tu es sur le dos de ton cheval, le lien qui vous unit, le quatrième temps, le silence au galop, le brise vous caressant le visage, crinière et chevelure mélangés à cause, ou plutôt grâce, au vent... Euphorique, à ces moments j'étais euphorique.


Mais assez parlée des chevaux pour le moment, quand je me lance sur le sujet je n'arrive plus à m'arrêter.
Depuis toute petite les livres m'ont passionnés. Aventure, Fantastique, Policier, Philosophique. Le seul problème, je l'ai mentionnée plus haut, était que j'étais dyslexique. Le soir, quand elle avait le temps, ma tante me faisait la lecture. Avec le temps, grâce à la patience j'ai réussi à surmonter la dyslexie. Niveau caractère j'étais toujours aussi solitaire. Je n'avais pas, et c'est toujours d'actualité, besoin de personnes à qui parler. J'avais ma tante et mon cheval, ça suffisait amplement. Et franchement, les gens que je connaissais ne m'arrivaient pas à la cheville, ils n'avaient rien compris à la vie. Tous les jeunes de mon âge travaillaient déjà dur et pensaient tous au futur. C'est à dire comment sortir de ce village paumé.
Pour vous donner une idée d'où je vivais, dans le village le plus proche il y avait environ vingt habitants, enfants et nourrissons inclus, la ville la plus proche était à cent kilomètres. Mais, comme vous l'aviez sûrement compris ça ne me dérangeait pas. Donc je reprends ce que j'ai dit, tous pensaient au futur et c'est là qu'ils se trompaient. Ils n'avaient pas compris que dans ce petit coin paumé on pouvait aussi trouver le bonheur, ils n'avaient pas besoin d'aller chercher la richesse ou une connerie de ce genre. Comme je le dirais, on n'est pas heureux par ce qu'on est riche, on est riche parce qu'on est heureux. Et moi je l'étais, riche.

Un jour j'ai commencé à observer un faucon qui avait élu domicile près de chez moi, je l'ai baptisé Loen, simplement parce qu'il avait une tête à Loen.  Je l'ai aperçu plusieurs fois un haut d'un rocher et je l'ai beaucoup observée. J'aimais bien observer les oiseaux, je les enviais un peu. Ils étaient tellement libres, si l'envie leur prenaient ils décollaient et s'envolaient dans les ciel où rien ne pouvait les arrêter. Je l'observais donc beaucoup et j'ai remarqué que c'était réciproque. Et puis au bout de quelques mois j'ai pu l'approcher et finalement j'ai fini par pouvoir toucher cet animal noble, même si les premières fois il en avait profité pour planter son bec dans mon bras.

Ma tante quand à elle commençait à avoir des problèmes de santé. Elle dût abandonner son travail et rester à la maison. J'avais quatorze ans à l'époque. Je m'occupais d'elle mais au fil des semaines j'ai compris que c'était vain. Sa santé mentale commençait également à se détériorer et les dernières paroles sensées qu'elle ai dit, qui me paraissaient insensées à l'époque furent "Tu n'es pas ma fille. Sais tu que ta ton père et ta mère sont morts depuis bien longtemps ?" Ensuite elle en est venue à plus me reconnaître et à délirer. Et puis je l'ai envoyée à la mort car j'étais sûre que c'est ce qu'elle aurait voulu vu son était, je veux dire, elle était déjà partie le jour où sa santé mentale s'était écroulé. Je l'ai mise sur le dos de Brise et j'ai fait celle ci galoper dans une vaste prairie parsemé de fleurs fraîchement écloses, c'était le printemps, la saison du renouveau. Et puis peu à peu, en faisant ce qu'elle aimait le plus ma tante a pu quitter ce monde grâce aux somnifères que je lui avais donnés. Je pense qu'il n'y a pas de mort plus paisible et agréable.

J'ai fait le deuil et repris ma vie comme avant. Ça ne sert à rien de rester dans le passé, il faut aller de l'avant qu'importe les circonstances. Mon contact avec les humains s'est presque entièrement rompu. J'ai arrêtée d'aller à l'école et à mon grand plaisir aucune famille ne m'a recueilli, pas besoin d'une bouche à nourrir de plus je présume. Je ne  m'étais jamais vraiment posée des questions sur mon père mais là, orpheline, j'étais bien obligée. Je crois que ma tante avait dit qu'il était mort quad je lui avais demandée une fois petite, en faite je ne sais même plus trop. Mort, oui c'était sûrement ça, il devait être mort.

J'ai vécu une année avant le pire jour de ma vie. Je rentrais d'une balade avec Brise et là une créature, un Lestrygon comme je l'ai appris plus tard, a surgi. Il s'est jetée sur Brise et je suis tombée de son dos en me levant juste à temps pour voir ma jument se faire lacérer le ventre. Une colère noire s'empara de moi, je n'avais jamais senti une telle adrénaline et tout d'en coup, sans que je fasse quoi que ce soit un piquet de glace sortit de la terre et transperça le monstre.

Je me suis immédiatement précipitée vers ma jument, elle perdait du sang, trop. Je me souviens que les larmes coulèrent, ma tête enfouie dans l'encolure de Brise, sa faible respiration qui semblait lui coûter d'énormes efforts. Je lui ai murmurée "Dors ma belle, dors bien. Un jour on se ré verra..." Son corps se convulsa, j'ai croisée son regard paniqué et lui ai murmurée des paroles rassurantes, elle semblait se calmer et ferma lentement les yeux, comme pour s'endormir.

Je n'ai pas eu le temps de pleurer encore car l'lestrygon apparut derrière moi, visiblement pas blessé mortellement, et poussa un rugissement. L'adrénaline revint sur le coup, c'était le monstre qui avait tué ma jument, il allait que je la venge, par tous les moyens. Le problème, me rendis je compte, c'est que je n'étais pas vraiment prête et sans l'aide de mon parrain divin, je dois avouer, je serais plus qu'un tas de chaire et d'os dans l'estomac de l'lestrygon. Un arc apparut soudain devant moi, je n'ai pas eu le temps de l'examiner en détail sur le coup mais maintenant je peux vous dire qu'il est tout simplement magnifique. Argenté avec, si on regarde de plus près, des dessins propres à la Grèce Antique avec les différents dieux et esprits du vent représentés et des petits motifs décoratifs. Il n'est pas trop grand, parfait pour moi. Dans le carquois qui va avec j'ai plusieurs flèches qui sont elles aussi argentées et faites avec la même finesse et précision que l'arc lui même. L'ensemble est juste parfait.

Revenons à l'lestrygon. L'arc et le carquois venait d'apparaître devant moi mais je n'avais aucune idée de comment cela pourrait m'aider. En fait, j'avais déjà fait du tir à l'arc avant de temps en temps et j'étais assez bonne, pour pas dire très. Mais là je parle des cibles immobiles pas celles qui bougent et gigotent dans tous les sens. J'ai quand même tentée en prenant une flèche et en espérant de toucher le monstre, la flèche partit et se planta dans sa jambe, ce qui malheureusement ne suffisait toujours pas à l'achever. C'est alors que je fus persuadé que si je saute dans le vide je pourrais me sauver, je ne savais pas d'où me venait cette idée folle ni pourquoi j'étais tellement sûre de moi, mais je courus vers le bord de la colline et me laissai tomber dans le vide. Une forte bourrasque souffla, une sensation de vitesse incroyable s'empara de moi et la seconde d'après j'atterris dans un endroit qui m'était méconnu, la colonie des sangs mêlés.

J'ai passé trois détestables années à la colonie des sangs mêlés et lorsque j'ai appris leur existence, j'ai rejoint les opposants.