Tout serait parfait si le monde était un monde de paix comme il ne l'est jamais[Rani]

Les Romains et les Grecs se serraient la main, ils se faisaient des accolades. La paix entre les deux clans était enfin arrivée, après toutes ces querelles. Je regardais des amis qui avaient dû garder leur relation secrète jusqu'à maintenant se sourire et les leaders des deux camps approuver de hochements de tête. Soudain, un bruit, comme une sorte de cognement, se fit entendre. Je me retournai, mais il n'y avait rien derrière moi, que la forêt. Le bruit s'intensifiait, les coups se faisaient de plus en plus fréquents. Quand je redirigeai mon regard vers les demi-dieux, la scène devant moi s'était figée et semblait se brouiller. J'avais l'impression de regarder à travers une lentille sale, je ne pouvais plus distinguer les détails. Le son devenait assourdissant, je mis mes mains sur mes oreilles et fermai les yeux en descendant sur mes genoux.

Je clignai des yeux. J'étais couchée dans mon lit, dans le bungalow dédié à Iris. Ce n'était qu'un rêve. Je  secouai la tête pour chasser les images de visages heureux d'ennemis qui se réconciliaient. Bien sûr que ce n'était qu'un rêve. Ce n'était pas demain la veille du jour où tout le monde comprendrait enfin que se disputer entre cousins n'est pas la bonne chose à faire.
Le cognement était encore là. Puis la voix de Lily retentit dans toute la maison :

« RANI TU VIENS ON VA VISITER UN MUSÉE?! »

Depuis combien de temps était-elle là à se briser les poings pour me réveiller? Je bâillai et me levai lentement. J'allais lui ouvrir la porte lorsque je réalisai que j'étais encore en pyjama, les cheveux en bataille.

« Attends deux minutes, j'arrive!! » lui criai-je.

Je courus d'un bout à l'autre de ma petite chambre pour ramasser mes jeans et un t-shirt propre, attrapant ma brosse au passage et passant quelques coups dans mes cheveux. Un coup d’œil au miroir m'indiqua que je devais vraiment me coucher plus tôt, j'avais des cernes violets sous les yeux. Mais tout le monde allait devoir supporter de me voir comme ça aujourd'hui, parce qu'il n'était pas question que je manque une visite au musée avec Lily! Je me précipitai vers la porte et l'ouvris si fort qu'elle alla cogner le mur. Je la fixai un instant et finit par hausser les épaules, me retournant vers la fille d'Aphrodite. Tout de suite, je sentis ma confiance en mon apparence négligée-mais-supportable baisser… Elle était comme d'habitude très belle, même sans les artifices qui accentuaient souvent ses traits. Et puis je me suis dit « Tant pis. Les autres penseront ce qu'ils voudront. » J'allais aujourd'hui en apprendre plus sur l'histoire des espèces et des civilisations qui peuplent notre terre et j'allais en revenir plus cultivée et prête à affronter le monde de demain. Au fond, tout ça était bien plus important que de quoi j'avais l'air. Je tentais de m'en convaincre.

« Je suis prête. On va où? » dis-je en souriant de toutes mes dents.

Lily me détailla pendant un moment avant de me répondre. Elle aussi devait se questionner sur mon look. Mais elle ne fit pas de commentaire, et je lui en fus reconnaissante. Quand elle m’indiqua qu’elle voulait aller au Musée d’histoire naturelle, je sautai presque de joie. Je n’y étais allée qu’une seule fois, alors que j’étais très jeune, et cela faisait longtemps que j’avais envie d’y retourner.

Après m’avoir expliqué son projet, Lily sembla se perdre dans ces pensées quelques instants. Je vis son expression passer par toute une gamme d’émotions à une vitesse effarante. Je savais qu’elle pensait à Matthew, mais comme elle ne semblait pas vouloir en parler, je la suivis jusqu’aux écuries sans aborder le sujet.

Les écuries étaient un de mes endroits favoris au camp (avec le lac, bien sûr). La première fois que j’avais vu les pégases, j’avais passé plus d’une heure à les observer en silence, fascinée. Après m’avoir vu traîner près des box à plusieurs reprises, un cavalier expérimenté fut assez gentil pour m’offrir de me donner des leçons. Oui, bon, il en résulta un bras cassé après à peine trois jours, mais dès que je fus libérée de mon plâtre, je remontai en selle. Je n’étais pas du genre à abandonner si facilement (ni du tout, d’ailleurs) et ce n’était certainement pas les regards de pitié que me lançaient certains enfants de Poséidon qui allaient me décourager.

Je secouai la tête pour me sortir de mes vieux souvenirs. Je pris une pomme dans un panier et filai vers le box de ma jument préférée. Elle accueillit la récompense avec un hennissement de plaisir. Je pris le temps de lui faire un pansage complet et de lui tresser la crinière avant de la guider hors de sa stalle et de m’affirmer prête à partir. Le pégase me suivit docilement hors de l’écurie et mis un genou au sol pour me laisser monter sur son dos. J’admirai l’élégante musculature de l’animal et ses ailes puissantes repliées sur les côtés. Je m’installai juste derrière son garrot et elle déploya les ailes en question. Nous nous élevâmes lentement dans les airs. Une fois qu’on pouvait voir le camp tout entier au-dessus de nous, je me rappelai de respirer. Même après toutes ces années, un décollage à dos de pégase avait toujours le même effet sur moi. Je me penchai en avant pour être plus aérodynamique et demandai à ma monture d’accélérer l’allure.

« La dernière arrivée paie les billets! » criai-je derrière moi à Lily.

Ma monture et moi dépassâmes Lily assez rapidement, et je ne la revis pas avant que nous soyons toutes deux à terre. Quand je vis son expression, je regrettai aussitôt de lui avoir lancé un défi. Elle n'était visiblement pas à l'aise du tout à dos de pégase, je l'ignorais! Elle était crispée et semblait faire d'énormes efforts pour garder son calme. Elle ne me laissa tout de même pas le temps de lui présenter mes excuses avant de se diriger vers l'entrée du musée pour acheter les billets. Je l'attendis en retenant de mon mieux les deux animaux, qui regardaient avec envie la pelouse de Central Park.

En attendant Lily, je repassai dans ma tête toutes les expositions que je voulais absolument lui montrer. Tout d'abord, si elle venait ici à cause du film, elle devait voir la statue de l'île de Pâques et la grosse baleine! Le calendrier maya était aussi assez impressionnant… Je ne savais pas si les statues de cire étaient là aussi mais on le découvrirait bien assez tôt.

Je fus interrompue dans mes pensées lorsqu'elle arriva devant moi, prête à y aller. Je pris le billet qu'elle me tendait et le mis dans ma poche avant de le perdre. J'étais si lunatique que j'étais capable d'égarer quelque chose en un temps record.

« Oui, d'accord, mais qu'est-ce qu'on fait de ces deux-là? » dis-je en pointant les deux pégases. On ne pouvait tout de même pas les laisser plantés là durant toute notre visite, si? Mais pouvait-on les renvoyer seuls au camp? À vrai dire je n'étais jamais sortie des limites du camp avec un cheval ailé, je n'avais aucune idée de quoi faire dans ces cas-là. Je lançai un regard interrogateur à Lily.

« Tu as eu ta dose d'équitation pour aujourd'hui? Préfères-tu revenir par un autre moyen? On peut toujours prendre le métro ou un taxi. »

P.S.: Désolée pour ce rp assez vide, à vrai dire je ne savais vraiment pas quoi faire avec ces pégases...

À ma grande surprise, Lily décida que la meilleure chose à faire était de laisser les pégases où ils étaient pendant notre visite. Je savais bien que les humains ne verraient que deux chevaux, mais même là, c’est un peu particulier deux chevaux qui se tiennent tous seuls devant un musée… à moins que les coutumes des gens normaux aient changé depuis que j’avais mis les pieds hors du camp. À bien y penser, cela faisait un petit moment que je n’avais pas vu le monde extérieur et je me demandai, en suivant mon amie dans le bâtiment, tout ce qu’il pouvait y avoir de nouveau dans la ville, ou même dans le monde. Nous étions comme isolés de tout à la colonie, et parfois j’avais peur qu’une catastrophe arrive ailleurs ou bien que des découvertes importantes soient faites et que je n’en sois pas informée. Même avant d’être une demi-déesse, je n’étais pas le genre de fille qui savait toujours tout la première ou qui lisait le journal à chaque jour, mais j’aimais m’informer de l’actualité, et mon arrivée dans cet endroit coupé du monde humain m’avait d’abord déstabilisée par le fait que je n’étais plus au courant de ce qui se passait à l’extérieurs de ses limites.
Notre premier arrêt fut pour la statue de Teddy, qui était, à ma grande surprise, en bronze! Ça alors, j’avais pourtant été persuadée que les expositions en vedette dans le film étaient assez fidèles aux vraies. Il faut croire que je m’étais fait avoir. Je ne me rappelais que très peu ma dernière visite dans cet endroit, et on dirait bien qu’il me réservait encore plus de surprises que ce que je pensais. Quand Lily me posa la question, je lui répondis franchement :

« Non, et si je l’ai déjà su, je ne m’en souvenait plus. C’est dommage, moi qui voulais poser à côté de Teddy et son fier destrier… »

Non seulement la statue du président était moins intéressante que ce à quoi je m’étais attendue, mais la salle qui consistait son mémorial était assez épurée. Il n’y avait que très peu d’expositions, seulement des bancs arrangés en rond et de nombreux lustres pendant du plafond. J’avais le regard fixé sur la tapisserie des murs lorsque Lily me sortit de ma bulle.

« Non, non, je ne suis pas fatiguée, seulement je ne suis pas sûre que cette salle soit la plus intéressante. Suis-moi. »

Je sortis la carte du musée de ma poche et repérai l’endroit où je voulais aller avant d’entrainer mon amie à travers les longs corridors jusqu’au Hall des Peuples du Pacifique.
« Bon, tu veux voir une exposition qui ne te décevra pas? Viens par ici. »
Sans lui laisser le temps d’observer les objets exposés derrière les nombreuses vitrines, je traînai ma compagne jusqu’à l’autre bout de la salle, où se trouvait l’imposante statue de l’Île de Pâques. Celle-là était bien fidèle à ce qu’on voyait dans le film, si ce n’est qu’elle était au fin fond d’une salle et non au milieu d’un corridor important. Elle ne parlait pas non plus, mais bon, il ne faut pas trop en exiger. Je pris le temps d’apprécier la grandeur de la statue avant de me tourner vers Lily pour observer sa réaction.

J’étais assez satisfaite de la réaction de Lily. Pour une fois que je réussissais à faire plaisir à quelqu’un. Oh mais voilà qu’elle me nommait guide officielle de notre visite. Bon d’accord. Je dois avouer que mon sens de l’orientation n’est pas des meilleurs, mais je ne suis quand même pas perdue du moment que j’ai une carte entre les mains. Et il est vrai que j’avais retenu l’emplacement des principales expositions qui m’avait marquées lorsque j’étais venue. Je jetai un coup d’œil au plan que je tenais et pris le bras de Lily, l’entrainant encore une fois entre les nombreux visiteurs. Non mais il y avait foule aujourd’hui! Je me demandai s’il en était toujours ainsi.

J’emmenais Lily vers une exposition que j’aimais bien, même si ce n’était pas nécessairement l’attraction la plus connue du musée. Et si nous avions un peu de chance, nous aurions peut-être même droit à un spectacle. Nous entrâmes dans un hall de biologie, où des créatures plus étranges les unes que les autres se volaient la vedette derrière des vitrines. J’encourageai Lily à se promener et regarder un peu, même si nous n’étions pas encore à l’endroit que je voulais lui montrer. Après quelques minutes, je lui fis signe de me suivre jusqu’à l’entrée de la salle voisine. Je m’arrêtai et me retournai vers mon amie juste avant que nous puissions apercevoir ce qu’elle contenait.

« Je ne sais pas si tu te souviens, mais pendant un instant du film, on peut voir une énorme baleine bleue. »

Sans rien ajouter, j’entrai dans l’immense salle occupée par ladite baleine. J’entendis aussitôt les tambours. L’immense mammifère marin trônait au plafond, et nous pouvions l’admirer du haut d’une mezzanine où des organismes marins nous fixaient derrière des vitres, à notre gauche. Un gardien de sécurité hocha la tête dans notre direction pour nous souhaiter la bienvenue. En se penchant par-dessus la balustrade qui surplombait la grande salle de conférence, nous pûmes constater d’où provenaient les sons rythmés que nous entendions. Comme je l’avais espéré, un événement avait lieu en ce moment même et nous étions arrivées juste au bon moment pour assister au spectacle d’ouverture. Une danseuse et son partenaire se partageaient la scène, armés de longs rubans qu’ils faisaient tournoyer élégamment autour d’eux, au rythme des percussions. J’étais bien contente de pouvoir partager ce petit secret de musée avec Lily. Bon, il ne s’agissait pas vraiment d’un secret, et ce n’était certainement pas aussi excitant que des animaux et des statues qui prennent vie la nuit, mais pour moi cela faisait partie des petites surprises d’une activité telle qu’une visite au musée. En fait, la plupart des personnes arrivent dans ce genre d’endroit avec en tête une liste d’expositions à voir et ils passent leur journée à courir de l’une à l’autre sans vraiment prendre le temps d’apprécier ce qu’ils voient. Pour moi, l’importante n’est pas ce qu’on apprend ici, car de nos jours toute cette information est disponible en ligne ou dans les livres, non, l’important c’est la façon dont on le découvre. Et la surprise fait partie du lot. Je déteste aller visiter un endroit en sachant d’avance ce que je vais y trouver. Je préfère de loin errer sans but précis pour tomber sur les recoins les plus intéressants. Il faut parfois se perdre pour trouver les meilleurs endroits. Et si nous étions en train de regarder un spectacle de danse au lieu de lire au sujet des poissons des marais, et bien soit. C’était bien plus intéressant, dans le moment, selon moi. Cette occasion ne se présenterait pas à tous les gens qui étaient ici aujourd’hui, et si elle nous était offerte, autant en profiter. Nous irions en apprendre plus sur les requins du Pacifique dans cinq minutes. Je me tournai vers Lily pour savoir ce qu’elle en pensait. Décidément, je commençais à bien m’amuser à jouer les guides.