Qui se cache derrière ce masque de fer ? Pv. Riley

On agit souvent sans réfléchir, en particulier quand on est - comme moi - un demi-dieu. Mais parfois, c’est l’inverse on réfléchit bien trop, beaucoup trop à tel point que l’immensité de la vie peut devenir soudainement très monotone et vide de sens. On peut aisément se mettre des bâtons dans les roues. Alors, il faut savoir s’accorder du temps - beaucoup de temps ou un petit peu, mais des moments pendant lesquels on peut se sentir réellement libre et à l’aise - heureux, tout simplement. Ce n’est pas simple de les trouver.

Je n’en ai pas souvent l’occasion mais je m’y retrouve avec deux passions une liée à ma condition de demi-déesse et l’autre simplement parce que j’adore. Se battre est l’une de mes activités que je pratique le plus souvent en entrainement mais aussi pour mon propre plaisir. Cela ne vous est jamais arrivé de dire il faut que j’aille casser des gueules pour me sentir mieux ? Et bien moi si. Ce qui est un avantage c’est que la colonie est composé de nombreux jeunes gens prêts à se battre à n’importe quelle heure. Du coup, c’est facile de casser des figures en tout temps et j’aime vraiment ça. Ce que j’apprécie aussi totalement à l’opposé du combat, c’est l’art - le dessin, la peinture, tout ce qui touche à l’imagination me plait fortement. Je peux passer des heures à remplir les pages du petit livre qui ne me quittent jamais.

A l’intérieur se trouve en particulier des portraits de mon ancienne famille et la nouvelle à présent - les demi-dieux de la colonie, filles, garçons, satyres... tous ceux qui ont une certaine importance à mes yeux, s’y trouvent. Avant que la question ne vienne - oui, chez moi, elle est venue - Non Dionysos ne s’y trouve pas mais Chiron oui. Je sais, c’est louche, j’étais jeune. Je n’assume pas, c’est vrai. Il n’empêche que je ne laisse pas voir mes croquis, à personne. Je n’aime pas. Je préfère garder mes œuvres pour moi. Ce n’est pas que j’ai peur des critiques, disons que c’est privé - mon jardin secret, donc c’est confidentiel et très important pour moi, autant que Pamplemousse que j’ai gardé des années dans mon lit avant de le poser près de celui-ci. J’étais à New-York, dans les rues, mon sac à dos sur l’épaule contenant mon arc et mon carnet et quelques détails sans importance pour le moment. Je me rendais à une exposition près de l’hôtel d’Apollon - coïncidence ? Oui certainement.

Ce n’était pas la première fois que je m’y rendais. On y croisait de tout, des demi-dieux, des mortels, des dieux même parfois, bref de tout. Les monstres aussi s’y rendaient mais plus rarement, attirés par les senteurs mais ils avaient dû comprendre que les protections magiques ne les laisseraient pas tailler dans la clientèle. Sauf que l’exposition se trouvait dans les jardins juste à côté. Il y avait une foule très dense. J’étais en pleine contemplation quand une silhouette qui n’aurait pas dû se trouver là, me fit tourner la tête. J’écarquillais les yeux avant de me tourner complètement pour être sûre. « Riley ? », déclarais-je avec étonnement, ne sachant pas si cette ancienne connaissance m’avait entendu ou pas. Tout ce que je vis, c’est qu’elle poursuivit son chemin sans m’accorder de regard.  Je me faufilais à travers la foule. Avant de jouer des coudes pour sortir de cette mêlée, toujours à la recherche de ce visage qui avait été gravé dans mon esprit depuis que je l’avais rencontré. J’étais étonnée.

D’ailleurs, son visage, sa silhouette, je la connaissais par cœur à force de l’avoir dessiner dans mon calepin. Elle faisait partie des nombreuses étoiles qui avaient trouvé une place particulière dans ma vie. Mais cela faisait si longtemps, six années en tout cas si ce n’est plus voir bien plus - les maths ce n’est pas mon fort, que je ne l’avais pas vu ou plutôt revu, depuis la mort de mon père adoptif à vrai dire. Il est vrai que je n’avais jamais eu de nouvelles d’elle et dans un coin de mon esprit je m’en voulais un peu. Au final, je ne m’étais pas suffisamment intéressée à elle pour ne pas savoir où elle était partie. Cependant, mes yeux étaient formels, il s’agissait bien d’elle qui était là à peine quelques instants auparavant. En guise de salutations, je m’exprimais, « Dans mes souvenirs, c'était toi qui me courait après. » Je ne savais pas exactement comment agir, vu les années qui s’étaient écoulés.

Mais à force de l’avoir sur le dos, j’avais appris à l’aimer bien qu’au départ ça n’avait pas été facile du tout de voir mes plans contrecarrer par une jeune femme juste plus âgée que moi. Je n’aimais pas ça du tout, mais dans le fond, elle avait sûrement appris à me connaitre bien mieux que les autres puisqu’elle ne me perdait pas, elle. Bordel, qu’est-ce qu’elle avait pu me frustrer. Je sentais mon cœur heureux de la revoir mais en même temps, elle me rappelait le temps avec ma famille l’ancienne et ce n’était pas exactement les souvenirs les plus agréables que j’avais. Mon regard glissa sur elle, avant que je n’approche d’un léger pas, me demandant quelle serait sa réaction. Plusieurs questions trottaient dans ma tête comme ce qu’elle était devenue, si douée à un si jeune âge, cela m’avait toujours semblé étrange. Et puis, je ne l’avais jamais revu. Peut-être n’était-ce plus la jeune femme qui m’avait suivie dans les boites, dans les cours d’art, partout, comme mon ombre. Frustrant, je vous assure surtout que jamais, elle n’avait réagit à la moindre de mes provocations qui pourtant, avaient fait leurs preuves face aux autres. Une fille étrange qui donne envie de se plonger sur son cas pour tenter de percer le mystère qui l’orne.

Un pardessus qu’elle laisse à l’entrée, comme cela se fait dans les hautes sphères. S’exhiber dans des vêtements de créateurs, jusqu’au simple manteau qu’on ne porte que pour entrer dans une pièce… Tellement dérisoire. Sur son visage, elle n’affiche rien, non pas pour se cacher, mais parce que ç’en est devenu une habitude pour elle. Et ici, tout semblait être un concours de masque, à dire vrai. Une vraie partie de plaisir pour quelque observateur qui soit, aimant à développer son don. Pour sa part, elle n’avait fait que pénétrer sous la tente la plus large, pour gratifier une de ces nombreuses pages, de sa signature. Peu importe de quel nom il s’agissait au final, parce que connaître sa véritable identité, ce qu’elle était vraiment, ne serait pas donné à tout le monde. Riley s’attarde un peu, observe les gens, enregistre les visages. A présent, elle affiche la présence d’une robe longue dont le jupon qui vole à chacun de ses pas, semble suffisamment coloré pour s’offrir une place de choix dans un catalogue printemps été. Elle n’avait pas envie d’opte pour le noir, pas alors que l’exposition se déroulait en plein air, et en pleine journée. Des bretelles fines, ses cheveux détachés, elle passait aisément pour une simple bourgeoise qui s’affiche dans une pseudo soirée mondaine. Enfin, une soirée… de jour. Un verre à la main comme un accessoire, qui donne le change, elle avance souplement, sans adresser la parole à qui que ce soit. Peut-être qu’elle fait froide, ou inaccessible. Mais elle ne cherche pas à éloigner les gens. Enfin si, mais pas là. Pas alors qu’elle était en mission de reconnaissance. Un besoin d’informations supplémentaires, histoire de savoir à quoi elle ferait bientôt face.

Ici, elle n’était ni Riley, ni Sasha. Juste une fille qui zigzague entre les œuvres d’art. Quand l’un de ses prénoms fut prononcé, elle tressaillit légèrement, et continua son chemin. Riley avait été appelée. Par une voix féminine. En général, ce sont plutôt les hommes qui la réclament, pas les femmes. Peut-être qu’elle était considérée comme une menace, ou peut-être qu’un agent masculin rassurait davantage, elle ne cherchait pas à savoir. Mais le fait était là. Quelqu’un qui connaissait son prénom américain était à sa recherche parmi cette foule. Légèrement intriguée, elle porta la coupe à ses lèvres et arrêta sa marche, devant une toile suspendue à une branche basse, pour attendre. Voyons voir ce qui allait sortir de cette journée, hum. Distraitement, elle se demanda si la toile était protégée des feuilles de l’arbre, avant de songer que la coque en verre qui l’entourait devait suffire.

La jeune femme la rejoignit enfin. Du coin d’œil, elle nota la couleur des cheveux, la présence du sac à dos et le pantalon. Mais ce fut la voix qui attira réellement son attention. Quinn. La gamine d’il y a quelques années. Etonnant comme le monde est petit, songea-t-elle, alors qu’elle lui jetait un coup d’œil plus prononcé. « Dans mes souvenirs, tu semblais avoir onze ans. » A elle de deviner si elle était sarcastique ou non, mais cela ne serait pas clairement perceptible. Le dosage était ténu, c’est vrai. Reportant son attention sur le tableau – comme si elle ne l’avait pas suffisamment étudié maintenant – Riley avala une nouvelle gorgée de sa coupe. La dernière, semble-t-il. « J’ai appris pour ton père. Toutes mes condoléances. » Ce terme était plat, inutile, et elle n’y adhérait pas. Mais en de telles circonstances, c’était, parait-il, ce qui convenait le mieux. Comme quoi, les conventions sont réellement stupides, parfois.

Le père de Quinn. Un client comme un autre. Riche, et volontaire. Astucieux également. Il avait obtenu son numéro et l’avait contacté. Sa fille, d’un an plus jeune se montrait récalcitrante à toute forme de mesure de sécurité. Au point de temps à autre de se faire la malle. Riley – que le père connaissait sous le nom de Sasha, son nom d’artiste – l’avait engagée pour qu’elle récupère sa fille. Enfin, la première fois. Parce qu’au final, pendant un petit moment, elle était devenue la garde du corps de cette demoiselle au fort tempérament. Agacée par ses agissements, alors qu’elle la considérait comme une petite fille riche, Riley ne tarda pas à s’habituer à cette relation. A comprendre par « tarder » qu’elle finit par le faire, tout simplement, et ce, malgré que ce ne soit pas dans son caractère. Elle ne baissait pas sa garde pour autant. Ce serait idiot de faillir à sa mission parce qu’on se fait légèrement plus souple avec sa proie. Son ton était juste passé de glacial à quelque peu blasé. Parfois, amusé. Mais c’était rare. N’oublions pas qu’elle n’était qu’une employée, pas de quoi accorder de l’importance à son poste. Riley avait beaucoup appris des jeunes de son âge auprès de Quinn, en l’observant. Les manies, les coutumes, les façons de s’exprimer. Mais de son côté, elle ne montrait rien. Pas que Quinn soit très encline à se confier, bien au contraire, mais à l’observer – puisqu’il s’agissait de son travail – Riley avait tout de même fini par enregistrer quelques informations sur la demoiselle. Et puis un jour, Quinn lui avait demandé. Est-ce que Sasha est ton vrai prénom ? Riley avait réfléchi. La question était plus profonde que Quinn ne le pensait elle-même. Après tout, Sasha est réellement son prénom de naissance, mais personne ne l’utilisait plus à part ceux de Chicago ou sa famille de Russie. A présent, elle était Riley. Alors à sa question… Elle avait répondu un simple…

Certains m’appellent Riley.

Je n’y croyais pas. Inconsciemment je clignai des yeux par deux fois, trop étonnée pour réellement faire confiance à mes mirettes. Elle se trouvait devant moi, elle, ici. Heureusement pour ma dignité, je n’affichais pas non plus la tête d’un poisson. J’étais juste diablement étonnée de la revoir. Disons que je n’avais jamais pensé croiser un jour son chemin. Depuis sont départ, je n’avais pas vraiment fait attention à ce qui m’entourait, trop repliée sur moi-même.

Oh, je me le reprochais assez souvent mais en décidant de rester à la colonie j’avais voulu changer cet égoïsme, changeant le discours si simple qui dit avec haine tu ne sais pas ce que j’ai vécu, comment peux-tu me juger ? Au fond de moi-même, je sais que je ne suis pas vraiment égoïste que le temps était le seul élément capable de me remettre totalement. Et même si cela faisait des années rien ne m’empêchait de ressentir le poids des remords et la tristesse capable d’envahir mes yeux parfois la nuit avant de me coucher. Pourquoi n’avons-nous pas un bouton off ? Ce serait tellement plus simple. Riley.  Un sourire franc se dessina sur mes traits. Je ne pouvais pas m’empêcher de revoir celle qu’au départ je prenais pour un bourreau.

Combien de fois avais-je juré entre mes dents, serrer les mâchoires, avoir la très mauvaise surprise de la voir apparaître alors que je ne souhaitais pas qu’elle me suive où que j’aille. J’avais abandonné. Mon regard parcourut sa silhouette encore, intrigués par elle, puis se reposèrent sur son visage. « Je sais pas si je dois le prendre pour un compliment. » Elle me traitait de gamine... décidément c’était bien là son truc. Penchant légèrement la tête sur le côté, peut-être avec l’ombre d’une légère taquinerie, j’ajoutai « Depuis quand tu t’intéresses à l’art ? » D’après moi, ce n’était pas vraiment sa place mais après tout pourquoi pas, cependant après que mon père avait engagé sa perle rare, je me disais plutôt qu’elle serait du genre à être en mission h24 alors bon. En fait, la raison de sa présence je m’en fichais, c’était plutôt le fait qu’elle fasse ressurgir mon « enfance » qui me troublait.

J’avais mis un trait là-dessus mais la revoir me rappelait mon ancienne demeure, mon ancienne famille - mon beau-père.  Un soupire m’échappa après sa déclaration. « Je te remercie, c’est du passé. » Un passé que j’essayai d’oublier pour effacer les images de mon incompétence. Une demi-déesse incapable de sauver un membre de sa famille, ça la fout mal pas vrai ? Et bien, je le sentais très mal. « Est-ce que tu le prendrais mal que je te dise que tu ressemble à ses femmes élégantes et sexy qui savent parfaitement ce qu’elles veulent ? »Elle pouvait le prendre pour un compliment.  Mes yeux se détachèrent d’elle pour se porter sur la toile qu’elle regardait avec attention, j’aimais inspecter les traits avec minutie, les jeux de lumières. Je me demandais souvent si mon talent pouvait égaler ceux des grands. Peut-être devrais-je faire carrière au lieu de chercher à empêcher une guerre. « En fait, tu n’as pas vraiment changé. » constatais-je simplement. Mystérieuse, presque glaciale avec une aura si différente de ce que je voyais tous les jours.

La première rencontre avec elle, je m’en souviens et franchement j’avais vite compris que ce n’allait pas être de la tarte de prendre le dessus sur elle. Dans quoi était donc t-elle faite ? Du roc ? Un bloque de glace peut-être. Il  n’empêche que mon père n’a sans doute jamais regretté d’avoir payé ses services plus chers que pour les membres des services habituels. Des amateurs face à cette fille. Aucun directeur n’avait tenu plus de six mois. Sans être foncièrement une sale gamine, je n’aimais pas qu’on envahisse mon espace privé et me suivre partout ressemblait légèrement à ça... tant pis pour eux. Aucun remord là-dessus. J’étais consciente d’avoir empêché bon nombre d’entres-eux de faire convenablement leur travail mais j’étais jeune et je ne comprenais pas pourquoi ma vie était si importante. Pourquoi je ne pouvais pas faire ce que faisaient les autres enfants de mon âge. Pourquoi notre image était si importante. A présente, j’ai bien compris mais il est trop tard - bien trop tard.  

Il n’y avait pas de grandes difficultés à se tenir aux côtés de la jeune fille. Mais il est vrai que si on lui avait prédit cette rencontre, Riley aurait probablement douté de sa capacité à se présenter, droite et fière devant une de ces personnes qui a eu la possibilité de la croiser et d’en ressortir en un seul morceau. Elle ne savait pas ce qu’était devenu Quinn, si elle avait hérité de tout ce que possédait son père ou si les choses avaient pu prendre une autre direction. Les familles aisées sont victimes de machinations et de loyauté défaillante à chaque rencontre en grandes pompes, semblait-il, et Riley n’était pas tout à fait encline à se mêler de ce genre d’imbroglio dont elle n’avait que faire. Elle se doutait bien que Quinn avait dû prendre en maturité au cours des années, et passer de gamine agaçante à jeune femme respectable, mais cela ne la concernait pas. Pourquoi n’imaginait-elle pas d’avenir autre que respectable d’ailleurs ? Tout simplement, lui souffla une petite voix dans son esprit, parce qu’elle le savait d’instinct. Quinn était loin d’être idiote, et l’intelligence qui brillait parfois dans ses prunelles autrefois promettait de grandes choses. Des choses intéressantes, en vérité. Peut-être qu’elle devrait lui proposer sa carte, après tout. Sait-on jamais si la gamine a besoin d’un petit coup de main, moyennant finances bien évidemment. Le seul problème dans ce plan intéressant, c’est que la blondinette la pensait garde du corps. Chose qu’elle n’avait été que pour elle. Quinn avait été sa seule offre, sa seule mission de protection au corps à corps et Riley n’avait jamais renouvelé l’idée. Une fois, lui avait suffi. Sans compter que son travail ne se limitait pas à cela, oh que non. Ses capacités étaient bien plus grandes qu’une simple protection, et si les ennemis du père de Quinn étaient présents et réels, cela ne suffisait pas à rendre justice à son talent. Riley volait, torturait s’il le fait, tuait si on le lui demandait. Elle était capable de faire de nombreuses choses, et n’était clairement pas un ange. Si, à Chicago, elle prenait davantage soin des hommes qui se trouvaient là-bas, ce n’était que pour une seule raison : parce qu’ils étaient en quelque sorte sa famille. C’était ça la puissance des clans mafieux. Pouvoir compter les uns sur les autres, et faire payer le prix fort à ceux qui trahissent. Alors oui, les déboires des adolescentes, ou des gens riches, ça ne la regardait pas. Aucunement. Riley faisait son boulot, et c’était tout ce qu’on lui demandait.

« C’est vrai que les compliments, ce n’est pas mon truc… gamine » Je haussais ensuite les épaules à l’encontre de ses paroles quant à l’art, et laissais mon regard se perdre dans la toile. « Hum… L’art est subjectif, alors je crois que d’une manière ou d’une autre, tout être humain peut apprécier l’Art avec un grand A. » C’était vrai. Au temps, elle n’adhérait pas du tout à cet étalage de richesse visant à promouvoir tel ou tel artiste bien quoté, au temps, elle était en mesure de trouver certaines toiles belles. Avec ses critères, et son ressenti. Le souci étant que l’art visible au grand nombre, celui ouvert au public, représentait souvent des œuvres choisies par des fins connaisseurs, et non pas des personnes lambda. En somme, il n’était pas étonnant de ne croiser en ces lieux que des personnes de classe sociale élevée, parce que leur mode de pensée, l’apprentissage que nombre d’entre eux ont eu, se révèle être le même que ceux qui choisissent qui sera l’artiste de demain. En clair, oui, l’art peut se résumer à une activité de riches. Et c’était dommage à ses yeux. Parce que ce qui est souvent mis en avant, ne fait pas tout, ne représente pas qu’une seule vision de l’art, n’est pas l’Art.

Aux propos que Quinn lui offrit ensuite, Riley se contenta de hausser un sourcil, presque curieux. Celui-ci ne tarda néanmoins pas à se parer d’une pointe de moquerie, alors que la tueuse se décalait d’un pas, pour venir faire face à la jeune femme. Son regard perçant glissa sur le visage et les détails de ce dernier, détails qui montraient combien Quinn avait grandi d’ailleurs, avant de passer à la ligne de son cou, puis à sa poitrine et au reste de son corps. Le rictus qui vint parer ses lèvres d’amusement, et de charme suffit à placer le décor. Celui que ses mots utilisèrent pour danser autour de son ancienne protégée. « Je ne te pensais pas de ce bord-là Quinn. Comme quoi, tu as bien grandi. Par contre, je n’aurais jamais imaginé que tu viendrais à faire des propositions sous-entendues à un ancien garde du corps. Aimerais-tu flirter avec le danger, par hasard ? » Il n’était question que de la taquiner, rien d’autre, et cela semblait bien plus facile qu’elle ne l’aurait pensé. Quinn, avec ses propos, avait convaincu la jeune femme que s’amuser ne ferait pas de mal. Et comme Riley ne souhaitait pas que la demoiselle se pose davantage de questions sur sa présence en ces lieux, la manière dont elle venait détourné la conversation lui convenait très bien.

Ses yeux bruns ne la quittaient pas. Ses oreilles prenaient le temps de mesurer ses paroles, puis un sourire se mit à jouer sur ses lèvres. C’était plus que plaisant de la revoir. Très souvent, la jeune femme avait l’impression de voir un contraste en regardant son ancienne gardienne. Elle pouvait paraître de multiples façons, qui croirait que cette femme pourrait passer de garde du corps à femme élégante et cultivée. La brune commençait à comprendre pourquoi son père n’avait pas hésité à engager Riley finalement. Elle dégageait une aura saisissante. Consciente qu’elle n’avait fait que l’observer, la Grecque détourna légèrement son regard - déjà que ce n’était pas bien poli, mais ça on s’en fiche. Quinn hocha la tête à ses paroles, approuvant complètement ce que pouvait lui dire son interlocutrice. Ses yeux pétillaient presque de malice. Un grand sourire éclaira son visage en voyant le changement d’expression de Riley lorsqu’elle mesurait les paroles de sa cadette.

La Grecque ne bougea pas, se contenant de la regarder agir avec un mélangé amusé au fond des prunelles. Haussant doucement les épaules, la plus jeune répondit calmement sans la quitter des yeux. « Ce n’était qu’une simple constation. » lui répondit la jeune femme avec un sourire malicieux, puis d’un air plus clément elle ajouta «  Mais en effet, à mon avis, tu pourrais aisément poser pour certains des artistes présents ici. », cependant ses paroles étaient tentées d’humour, décelant une taquinerie à travers ses propos. Elle ne voyait pas véritablement Riley poser. Non pas à cause de sa stature, ses traits ou une quelconque autre raison - non Riley restait une belle femme personne ne pourrait dire le contraire - mais la simple idée qu’elle se faisait de son ancienne garde du corps ne collait pas avec l’idée de la voir poser pour quelqu’un, dévoiler son corps. Non, ça n’irait pas d’après la fille d’Apollon. Elle ressemblait trop à ces caricatures de femmes froides, fortes, fières, mais pas vraiment le genre à s’offrir au plus offrant. Quinn ne doutait pas de cela.

Bien que la brune ne l’ait pas côtoyé durant des années, mais suffisant pour ce faire une légère idée de son caractère - bien qu’il reste d’énormes parts d’ombre à combler d’après la Grecque. Sans parler du fait que durant ses dernières années, la jeune femme ne savait pas ce qu’était devenue son ancien garde du corps, quelle voie avait-elle suivie ? Était-elle encore gardienne de vie ? Ou faisait-elle d’autres choses ? Quinn en était bien incapable de le deviner. Est-ce que ça l’intéressait vraiment ? Pas sûr. Le simple fait de la revoir ravivait des souvenirs qu’elle préféré garder enfouie. Mais son côté chaleureux reprenait le dessus facilement, la brune était heureuse de voir son aînée ici. Depuis le premier jour, ce n’était pas simple d’accepter cette ombre à ses côtés, partout, tout le temps. Mais bon, on se fait à tout. La présence de Riley avait changé sa façon de voir les choses -peut-être l’avait-elle fait grandir un peu.

Un petit rire lui échappa avant qu’elle se permette de lui dire avec amusement « Arrête de parler ainsi, on dirait que tu es ma  vieille tante des moments. » Inutile de préciser que ce n’était pas vraiment l’idée que se faisait Quinn de la femme en face d’elle. Puis une légèrement grimace sur les traits elle ajouta plutôt rapidement « Non, je retire en fait. L’image n’est pas vraiment concluante. » Se rapprochant d’un pas, les yeux pleins de défis, elle lui déclara doucement « Quant au danger, disons que je ne suis pas sûre que tu veuilles faire du mal à ton ancienne protégée, ce serait contre-productif, non ? » Ce n'était pas une question d'avoir peur d'elle ou pas. Bien sûr que la jeune femme ne doutait pas des capacités à l'autre femme de la maitriser en un temps record, seulement elle ne la craignait pas outre mesure. Cela lui semblait invraisemblable de l'imaginer l'attaquer.

Les yeux pétillants, elle recula doucement. « Tu ne devrais pas continuer à me voir comme une gamine, Riley. Ce serait tout aussi dangereux d’après moi. » Elle se tournait pour attraper une verre sur le plateau qui passait, et avalait quelques gorgées rafraichissantes. Cette soirée se passait bien mieux que ce qu’elle aurait pu penser ou imaginer. Bon mise à part le fait que la fille d’Apollon avait quitté la colonie et qu’elle n’était pas certaine d’avoir mis quelqu’un au courant. Même si c’était peut-être mieux en fait. Après tout, la brunette n’était venue qu’avec l’idée de sortir de son quotidien et comme personne ne connaissait son réel attrait pour l’art, elle préférait éviter les connaissances. Quant à son interlocutrice, disons que c’était le petit imprévu qui pimentait le tout. Une pure coïncidence mais plus agréable que de voir un monstre, même si la raison de sa présence lui était toujours étrangère. Néanmoins, son père lui avait bien interdit de poser des questions qui ne la regardaient pas. Du coup, elle s’en tiendrait à ce qu’elle pourrait capter de ses paroles, à savoir peu de choses - ça, Quinn en était certaine.

Riley n’était pas le genre à déblatérer toute sa vie en un clin d’œil comme certains pouvaient le faire. Sa curiosité devrait donc être maitrisée le temps de cette soirée en sa compagnie. Oui, parce qu’elle comptait quand même en profiter de son aînée. Du moins, un moment, jusqu’à se faire rembarrer. Oh, il était certain que Riley n’hésiterait pas à le faire savoir quand la compagnie de son ancienne protégée lui taperait sur le système. Un sourire différent sur les lèvres, la Grecque lui jeta un coup d’œil lui demandant par la même occasion « Est-ce que ça te dirait de supporter ma compagnie ce soir ? » La jeune femme n’avait pas hésité à le lui demander, après elle n’avait pas peur de son refus. Elle comprendrait simplement. Mais préférait tenter de profiter de ce que représentait encore cette femme à ses yeux - puisqu’elle le pouvait. On dit bien que tout est éphémère - surtout le bonheur, alors oui rien n’est plus vrai que cette phrase.

Porter des robes n’était pas tout à fait ce à quoi elle était coutumière. Principalement parce que ce genre de tenues n’était pas pratique. Surtout lorsqu’il s’agissait de dégainer une arme à feu, ou des lames judicieusement cachées. Autant dire qu’elle n’avait pas pris le couteau qu’elle plaçait habituellement dans son dos, le long de sa colonne vertébrale, entre ses omoplates. Et elle n’appréciait pas cela du tout. Seul son browning se trouvait le long de sa cuisse gauche, comme à chaque fois qu’elle se retrouvait affublée de pareil vêtement. Cette fois, la robe était longue, tombant sur ses chevilles, en un jupon un peu plus large. Le tissu faisait penser à du simple coton, et la robe aurait probablement été mieux adaptée pour un climat plus doux, relatif à l’été par exemple. Les fines bretelles dénudaient ses épaules, et elle en venait presque à regretter d’avoir laissé son manteau à l’entrée de la première tente. Bon sang ce qu’elle en avait déjà marre. Au moins, la présence de Quinn lui faisait comme une petite publicité dans le décor. Donc, en quelque sorte, elle n’était pas dans l’optique de mettre immédiatement fin à leur conversation, même si, évidemment, elle n’était pas là pour les brins de causette avec ses clients d’autrefois. Néanmoins, la gamine avait eu le mérite de la faire sourire avec ses propos un peu évasifs, enfin suffisamment flous pour que Riley puisse les prendre comme elle le souhaitait, et en jouer.

Pour le compliment de la demoiselle, Riley se contenta de hausser un sourcil. Poser pour des artistes ? Sans façon. Ce genre d’activités ne l’intéressait absolument pas, et en plus, il était fort probable qu’elle se fasse royalement chier. L’inactivité, sans façon. Déjà, se tenir là, bien droite, une coupe à la main, c’était beaucoup lui demander. Au moins, à l’époque, lorsqu’elle avait la charge de la protection de la demoiselle, son attention était concentrée tout autour de sa protégée, ce qui était en soi, une activité prenante. Là, elle comptait presque les minutes pour que ça se termine le plus rapidement possible. Dans sa vision périphérique, elle notait la présence de telle ou telle identité qu’elle connaissait ne serait-ce que de vue, ou de nom. Peut-être serait-il bientôt temps de faire ce pourquoi elle avait choisi de sacrifier un peu de sa santé mentale. Mais pour le moment, il fallait qu’elle comprenne. Sa vieille tante ? Riley sentit son regard s’assombrir alors que sa posture trahissait son scepticisme. « Vieille tante ? Vraiment ? » Le vraiment, se trouvant accentué par le ton de sa voix. Parce que pour le coup, c’était bien la première fois qu’on lui sortait pareille réplique. Et que cette dernière vienne de la petite Quinny, ça semblait complètement irréel. Donc, elle l’observait avec attention, ne transmettant plus rien, et se tenant bien droite, comme si elle jaugeait des mots utilisés pour la décrire.

La suite de son discours la laissa froide. Contre-productif ? Quinn ne savait rien de ses activités, et si elle s’imaginait que parce qu’elles avaient partagé quelques mois ensemble, Riley ne pourrait pas lui tourner le dos, elle se trompait. La vie est trop courte, trop éphémère pour accorder une si grande importance aux liens du passé. Surtout quand ils pouvaient se briser si aisément. Une pensée pour une demoiselle blonde lui traversa l’esprit avant qu’elle ne porte sa coupe à la bouche, la terminant d’un trait. D’un geste élégant, elle posa la flute sur le plateau d’un serveur qui passait par là, et inspira doucement. « Ne présume pas sans savoir, gamine. Les gens ne sont ni tout noir, ni tout blanc, certes, mais ils peuvent être bien plus sombres qu’on ne le pense. » Elle en savait quelque chose. Son père prenait soin d’elle à sa manière, et dans la plupart de ses gestes, de ses décisions – même celle de la noyer dans un fleuve de Russie – elle discernait l’amour qu’il ne voulait pas exposer aux yeux de tous. Son père était quelqu’un de bien dans son genre, combien même, il pouvait avoir des litres de sang sur les mains. Et elle serait bien mal placée pour juger de ce fait, d’ailleurs. Ce qu’elle ne ferait donc pas. Mais Quinn, si intelligente soit-elle, ne devait pas perdre de vue qu’elle ne connaissait pas Riley dans son intégralité. Si elle poussait l’idée plus loin, Riley dirait même qu’elle espérait que la demoiselle se rende compte qu’il était presque dangereux de rester en sa présence, même si, évidemment, elle n’avait aucun contrat actuel sur la tête de la jeune fille.

« Je ne fais pas cette erreur, Quinn. » Leurs regards se croisèrent. Riley ne la jugeait pas à la baisse, bien au contraire. Mais elle avait encore un peu de marge avant de s’inquiéter avec intensité. Ensuite, qu’elle lui propose de passer un peu de temps en sa compagnie, la fit réfléchir quelque peu. A dire vrai, c’était bien ce qu’elles étaient déjà en train de faire à ses yeux, mais elle pouvait comprendre que la demoiselle se voit dans l’obligation de lui demander, comme une marque de politesse et de respect. Quinn avait été élevée avec une éducation civilisée et courtoise. Riley hocha donc la tête avec sobriété, et se détourna de la toile, pour faire face à l’ensemble de la salle. « Bien, jeune demoiselle plus si jeune que ça… Montre-moi ce que tu apprécies ici. » Après tout, cela l’occuperait. Et puis, teinter ses paroles d’une pointe d’ironie, ça animait son moment.

Le monde est vraiment petit. On s’en rend très vite compte lorsque nous rencontrons des gens que nous pensions perdus de vu qui eux-mêmes connaissaient nos proches. Finalement vraiment le monde est très petit. La présence de Riley ne pouvait que confirmer cette phrase. Jamais la Grecque n’aurait pensé tombé sur elle. D’ailleurs au départ, elle avait eu assez de mal à y croire pour se forcer à la suivre pour en être certaine. Mais Quinn trouvait un certain plaisir à revoir cette ancienne connaissance, bien que Riley ne cessait que de lui rappeler son père. Les souvenirs font du mal mais pas toujours. La jeune femme pouvait aussi voir la période de sa vie pendant laquelle elle avait été plus qu’insouciante, bien trop à en entendre sa famille. Mais maintenant que tout avait changé, la fille d’Apollon ne regrettait pas de s’être laissée aller avant.

A présent, la jeune femme savait qu’elle ne pouvait plus se permettre ce genre de fantaisie dans le monde dans lequel elle vit. Impossible. Un petit rire lui échappa en voyant son air. Absolument très peu sérieuse, avec sourire,  Quinn acquiesçait. « Vieille tante, ouais. C’est exactement ce que j’ai dis.» La jeune femme avait du mal à se maitriser en voyant cet air sur le visage de Riley. En réponse, elle haussa les épaules en ajoutant « Attention, j’ai dit que je retirais cette idée. Pas sûre que ça te convienne vraiment. Tu préférerais grande sœur peut-être. » Bien que ça doit être frustrant. Son demi-frère n’aurait sans doute pas pu supporter de ne pas pouvoir regarder une si belle femme. D’ailleurs, cela faisait si longtemps que Quinn ne l’avait pas vu, comme son cousin, Théo. Il lui manquait  beaucoup.

La Grecque grogna légèrement en levant les yeux au ciel après que Riley recommence à parler comme une vieille sage, « Voilà que tu te recommences. » la fixant dans les yeux, elle poursuivait,« Tu ne peux pas t’empêcher pas vrai ? Et tu sais quoi ? Je préfère justement me dire que puisque les gens ne sont ni tout noir, ni tout blanc, ils peuvent aisément changer de position à n’importe quel moment. » Un sourire amusé et quelque peu provocateur sur ses traits, il  lui était impossible de ne pas ajouter « Et puis sache que je ne suis plus l’adolescente qui tentait de t’échapper. J’ai grandi. » Et je sais me battre, je ne suis pas sans faille mais assez pour donner du fil à retordre à une personne voulant attenter à ma vie, voilà ce que disait les yeux de la brunette avec une détermination au fond des prunelles. Bien sûr qu’au corps à corps, la jeune femme serait au tapis en très peu de temps, mais il suffisait d’avoir quelques surprises sous sa manche. D’ailleurs à savoir Riley ne devait pas s’attendre à ce que son ex protégée puisse se battre. Oh et puis pourquoi penser à ça, la jeune femme n’avait pas dans l’idée de la provoquer en duel pour lui prouver qu’elle n’était pas une ou plutôt plus une gamine sans défense qui se cacherait derrière son dos.

Il n’empêche qu’elle n’avait pas la moindre envie de se méfier d’elle. Pour la brune, il était impossible d’avoir des doutes sur son comportement même sans la connaître réellement. Autant voir le bon côté des gens. Après vérité ou mensonge effectivement ce serait complexe d’analyser la situation. Qu’importe, elle passerait toujours à l’action s’il le fallait mais en ce moment ce n’était pas le cas. Et qui pourrait vouloir sa mort ? A part les partisans et les monstres évidemment. Cependant il faudrait que les partisans puissent avoir un quelconque intérêt à attenter à sa vie et ce n’était pas encore le cas. Quinn ne faisait pas office de leader à proprement parler. Elle n’était qu’une demi-déesse qui s’impliquait dans les affaires avec les Romains pour tenter d’apaiser au maximum les tensions et aussi pour épauler Lily. Mais en aucun cas, elle n’avait la valeur d’une Reyna ou d’un des sept.

« J’espère bien, l’inverse me vexerait. » C’est vrai que la brunette n’avait pas vraiment été un modèle lors de son adolescence. Mais depuis que son père s’en était allé, qu’elle faisait parti des demi-dieux à qui incombaient de s’occuper et de guider les plus jeunes, tout changeait. Tout avait changé. Mais ça, Riley ne pouvait pas le savoir. Reposant mon verre sur un plateau, vraiment très pratique, il faudrait en parler à Chiron. La jeune femme lui fit un sourire malicieux. « Tu devrais te détendre un peu, à moins que je te dérange dans une mission top-secrète ce qui m’étonnerait. » murmura-t-elle en faisant passé son regard  sur sa silhouette, « Suis-moi, les jardins sont vraiment magnifiques. » Je m’y enfonçai en sa compagnie. Effectivement, la Grecque ne pouvait que contempler la beauté des lieux, même la température de l’air se prenait au jeu et restait largement agréable. Restait à savoir s’il était possible de dérider un peu Riley, d’après les maigres expériences de la fille d’Apollon, elle n’y était jamais parvenue.

« Alors comment occupes-tu ton temps ? » demanda-t-elle poliment, après tout, il fallait bien qu’elle trouve quelque chose à lui dire et évite de la saouler avec des paroles qui ne voulaient rien dire. D’ailleurs sa curiosité l’importait clairement mais son esprit ne pouvait que lui dire que si son ex garde du corps ne voulait pas y répondre, elle répondrait de manière évasive. Quinn avait toujours été impressionnée par ce qui est émanait de Riley. Cette fille n’était pas beaucoup plus âgée qu’elle et pourtant, elle semblait totalement à l’opposé comme si elle avait déjà vu un tas de choses. Avant, la jeune femme ne l’avait pas compris jusqu’à qu’elle même prenne conscience des changements qui s’étaient opérés dans son propre comportement. Son interlocutrice avait du vivre tout un tas de choses qui avaient forgés sa façon d’être, sérieuse, peu souriante. La fille d’Apollon trouvait ça dommage car elle aimait voir les gens avec un sourire, mais la presque froideur de celle qui avait veillé sur elle l’attirait tout de même, restait à savoir pourquoi. Et Quinn avait envie de savoir.

A sa droite, venait d’apparaitre un représentant du ministère de la culture, suivi de près de la directrice d’une firme voisine, qui affectionnait tout particulièrement l’art peint. Riley avait, en effet, fait ses devoirs. Elle avait déjà repéré le secrétaire d’état, ayant appris qu’il viendrait pile à cette heure après avoir écouté la fille de l’accueil qui, au passage, était une vraie pipelette. Si ça ne tenait qu’à elle, Riley l’aurait déjà égorgé. Pour la forme. Aucun des employés de son père et donc, des hommes avec lesquels elle avait eu l’occasion de travailler ne devrait parler, ou ils savaient ce qu’il encourait d’avoir la langue un peu trop pendue. Ils étaient prévenus, et s’il fallait refaire un exemple, et bien pourquoi pas, ça ne la dérangeait pas. Elle espérait que ce ne serait pas une personne avec qui elle avait un semblant de relation, mais son devoir passait par-dessus de toutes façons. C’était quelque chose qu’on apprenait assez tôt. Et si Quinn était bien la fille de son père, elle savait de quoi elle parlait. Après tout, être la fille d’un chef d’entreprise de grande taille faisait rapidement comprendre qu’il ne fallait montrer aucune faiblesse, au risque de se faire flouer par le premier escroc venu. Distraitement, Riley se demanda combien de fois cela avait-il pu arriver pour la jeune fille, mais elle ne lui posa pas la question. Cela ne la concernait pas, même si elle se doutait que ça ne devait pas être aisé de faire confiance aux gens autour de soi, surtout envers ceux que l’on rencontre dans le cadre professionnel.

Il fallut que Quinn parle pour que son attention se retourne sur elle, cherchant à voir si la demoiselle était sérieuse ou non. A la lueur rieuse dans son regard, elle comprit qu’elle se moquait doucement, et n’en prit donc pas ombrage. Puis, Quinn ajouta quelque chose et Riley manqua s’étouffer. « Grande sœur ? Et pourquoi pas gardienne de phare tant qu’on y est. » Riley était fille unique et ça lui convenait parfaitement. Elle n’aurait pas à s’inquiéter de la manière d’agir qu’il fallait adopter avec un petit frère ou une petite sœur. Oui, après réflexion, ça l’arrangeait bien. L’idée même que Quinn puisse l’appeler grande sœur, ça la laissait presque sans voix. Oh la, la gamine avait intérêt à cesser ses conneries tout de suite, ou Riley n’allait plus rire des masses. Les liens émotionnels ? Très peu pour elle. Cela ne ressemblait qu’à un ensemble de chaines qui vous retient en arrière, sans possibilité d’appuyer sur le bouton retour. Alors non. Riley avait beau savoir que Quinn ne la considérait pas comme une grande sœur, et qu’elle ne lui demandait pas non plus de l’être, mais l’appellation ne la mettait pas à l’aise du tout. Oh pas de stress, encore heureux, mais suffisamment d’agacement pour que son visage se figure être parmi ceux provoquant quelques inquiétudes. Elle avait été sèche et ironique dans sa réponse, pour que l’on comprenne bien que la famille, ce n’était pas pour elle. Riley en avait déjà une, suffisamment compliquée au passage pour lui donner quelques inquiétudes occasionnelles, dont franchement, elle se passerait bien.

Quinn continua sa provocation, laissant Riley de glace. En effet, cette dernière ne savait pas que la première était une demi-déesse et donc qu’elle avait un semblant de connaissance en combat. Corps à corps ou armes blanches. Mais cela n’entrait pas totalement en ligne de compte pour une personne qui savait bouger, et mettre à profit la moindre faille découverte. Riley n’était pas la meilleure. Loin de là. Mais elle était bonne. Sinon, on ne ferait pas appel à elle pour certaines missions. Donc oui, elle avait conscience qu’elle avait encore à progresser pour faire face à certains ennemis, mais elle avait l’impression ténue que des adolescentes devenues de jeunes adultes ne représentaient pas vraiment un adversaire à sa mesure. Peut-être bien que c’était présomptueux, et qu’elle aurait des surprises dignes de ce nom, mais les faits étaient là. Riley n’était plus une enfant, et elle ne l’avait jamais vraiment été. Elle s’était battue presque toute sa vie, et si elle avait eu le droit à quelques années de calme entre l’école et son apparition au camp Jupiter, il n’en restait pas moins qu’elle était une femme aux réflexes affutés. Chaque jour, elle continuait à chercher l’amélioration du moindre de ses faits et gestes, et ce n’était pas pour rien. Elle voulait devenir plus que bonne. Oui, pas seulement intéressante, mais l’une des meilleures. C’était l’un de ses objectifs, et elle ferait ce qu’il faut pour ça. « Je n’en doute pas. Si tu n’avais pas grandi, Quinn… Je serais déçue. » Vraiment. C’était le cas de le dire. La fille teigneuse, ayant de la répartie et pleine de peps avait de grandes capacités. Alors si elle n’avait pas grandi, si elle n’avait pas changé, si elle n’avait pas progressé, oui, Riley aurait été déçue.

Le verre serait bientôt vide, et Riley anticipait ce moment. Est-ce qu’elle tiendrait le coup ? Rien n’était moins sûr. Préférant éviter de se retrouver sans rien, elle but les deux dernières gorgées cul sec et profita du passage d’une serveuse pour lui laisser son verre, de la même manière que le fit Quinn, et attrapa une deuxième flute. A la proposition de la demoiselle, Riley acquiesça doucement. « Je te suis. » Simple, clair, sans animosité. Toutes deux sortirent de la tente, pour rejoindre les jardins, et la plus vieille des deux inspira tranquillement l’air ambiant, en regrettant brièvement de ne pas se trouver en Russie, là où l’atmosphère, à défaut d’être totalement pure, lui donnait tout de même l’impression d’être plus agréable que celle des Etats-Unis. Là, Quinn lui demanda de quelle manière Riley occupait son temps. Ce qui valut à la plus jeune, un rapide regard attentif et évaluateur. Par habitude. Par réflexe. Par mesure de sécurité. Finalement, Riley se contenta de hausser les épaules en regardant autour d’elle, enregistrant les passages plus découverts, les personnes qui se trouvaient près d’elle, les tenues qui cachaient ou non des objets de différentes tailles. « Je vais de-ci, de-là. » Tout ce qu’elle déteste. Des phrases sans queue ni tête, qui ne donnent aucun réelle information mais qui font un semblant de conversation. Alors, peut-être parce qu’elle en avait assez, ou parce qu’elle voulait donner un autre ton à cette discussion, Riley esquissa un petit sourire moqueur avant de rajouter quelques mots. « Mais rassure toi, tu as été ma seule mission de baby-sitting. Une petite chieuse, ça m’a suffi. » Facile, mais que voulez-vous, l’alcool ne ferait pas tout ce soir.

Quinn connaissait parfaitement cette ambiance étrange dans laquelle baignaient les représentants de famille de collectionneurs, d’artistes amateurs ou plus chevronnés, mais aussi des gens qui venaient simplement pour se montrer ainsi que prouver qu’ils possédaient un gros porte monnaie. Son père avait toujours insisté pour qu’elle se mette sur son trente et un et qu’elle vienne avec lui, pour la simple et bonne raison que c’était important de se montrer, d’être présent. Quand sa mère ne venait pas, c’était à Quinn de se taper les longues soirées à supporter des bavardages incessants, les pieds qui faisaient mal à force d’être cloitrés dans des chaussures à talon, les robes, le maquillage... on l’avait toujours considéré comme une poupée. La première image qui venait directement en voyant cette jolie petite fille si charmante qui accompagnait son père, restait celle d’une princesse dans ce monde. Pourtant Quinn n’avait pas demandé a avoir un père important pour la société. La plus part du temps cette vie l’irritait et elle plaignait fortement les enfants du présidents ou les enfants de stars. Comment pouvaient-ils supporter tout ce tapage médiatique.

Au moins, à part dans les milieux politiques, la jeune fille restait incognito bien que parfois des journalistes surveillaient sa famille après certaines déclarations faites par son père. Sa mort l’avait profondément affecté et c’était encore le cas après toutes ces années. Malgré les prises de bec, il avait un bon modèle pour elle et un père aimant, chose qu’elle n’aurait pas eu si la famille Atkins n’avait pas décidé de séparer un bébé de son frère, détail non sans importance qu’elle ne connaissait pas encore. Sans avoir le bonheur de vivre dans une famille modeste où tous s’entraident et où les liens familiaux sont plus importants que tout, la fille d’Apollon ne regrettait pas son enfance. Même si le fait de ne pas avoir de famille vraiment à elle avait quelque peu poser quelques problèmes lors de son adolescence à tel point de dégouter bon nombre de personne de rester proche d’elle. Quinn avait beau faire bonne figure comme on dit quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Jusqu’à Riley. Il faut dire que le plus gros de la crise a eu lieu quelques mois après la mort de son père et son garde du corps au top du top n’était plus là. Et puis tout a changé. La jeune femme s’est trouvée une nouvelle famille et un être est venu bouleversé sa vie jusqu’à la faire prendre conscience qu’elle ne pouvait pas agir comme une gamine capricieuse encore longtemps.

Finalement, le destin dramatique pour sa famille adoptive la fait grandir et la sans doute empêché de mal finir. Un caractère change facilement et parfois, pour commencer à vivre il faut malheureusement être victime d’un décès. Combien de fois avait-elle scruter Riley pour tenter de comprendre comment fonctionnait cette drôle de jeune fille ? Elles avaient presque le même âge et pourtant un monde les séparait, rien que le comportement changeait déjà énormément. Elle ne l’avait jamais vu agir comme une fille de son âge. Non au connaître, Quinn aurait pu lui donner dix balais de plus. Mais non, Riley n’avait qu’une année et des poussières de plus. Cette fille intrigante et frustrante avait partagé sa vie juste avant le moment pénible qui avait tout chamboulé. Est-ce que Quinn devrait s’excuser d’avoir été à ce point-là une petite gamine égoïste qui jugeait juste ce qu’elle faisait en pensant que de toutes manières, elle avait bien le droit de faire ce qu’elle désirait après avoir supporter tout le reste.

Dans sa mémoire, son ex garde du corps n’avait jamais parlé d’elle, un passé mystérieux et après, elle le restait tout autant. Pourtant, la demi-déesse avait une certaine envie de lui prouver que ce n’était plus une gamine sans intérêt. Pas par honte de s’être comportée comme une inconsciente les trois quart du temps, mais un sentiment comme ça qui lui ordonnait de ne plus se montrer inférieure elle tout simplement. Le plus amusant restait ses réactions qui manquait à chaque fois de rendre la tache qui consistait à contenir un fou rire qui manquait de l’importer en la voyant se crisper à ses comparaisons. Suite à quoi, la Grecque se décida à cesser de la taquiner bien qu’il y avait quand même un énorme côté moralisateur ou voir comportement de vieux sage chez cette fille. Secouant doucement la tête après sa réplique, la jeune femme leva les yeux au ciel admirant au passage sa texture et ses nuances.

La jeune femme garda sa langue bien au chaud dans sa bouche pour ne dire pas les mots qui lui l a brûlaient littéralement, elle n’avait pas changé pour un sou. Et c’est là que ça devenait intéressant, la brune avait changé assez radicalement devenant une jeune femme mature alors que le bloc de glace restait un bloc de glace. Une glace aiguisée cependant et prête à trancher à chaque instant comme le montrait ses réactions. Quinn se demandait où avait-elle appris tout ça. Ce n’était clairement pas normal, à supposer que Riley puisse être une fille normale. Non, il devait avoir quelque là-derrière. Ce n’était pas donné à tout le commun des mortels de devenir quelqu’un de sa trempe en si peu de temps même avec un entrainement harassant, tout le monde n’est pas destiné à être à ce point là une face de granit. Cependant, tout le monde a ses petits secrets alors chercher à assouvir une curiosité n’était pas convenable. Un jour peut-être, la jeune femme le découvrira qui sait. Si tu savais tout ce que tu as loupé pensa-t-elle en la regardant.

Devait-elle lui dire que la solitude n’était pas une bonne idée mais au vu de ses réactions Quinn préférait sagement se taire avant de la faire fuir, ce serait vraiment dommage après tout ce temps. Seulement, faire la conversation n’avait jamais été le fort de son interlocutrice. Elle lui jeta un regard amusé avant de d’acquiescer, « Et je te comprends. » Accusant doucement son regard et sa posture, sa face sans émotions, je fronçais les sourcils, comment faisait-elle cela ? Depuis le premier où elle l’a vu jamais elle n’as exprimé un quelconque sentiment. Elle les compartimente avec une facilité qui ne peut que piquer au vif sa curiosité. Elle n’est pas comme les autres. Elle ne l’a jamais été, ça c’est facile à deviner. On ne peut pas devenir un mur de glace en un claquement de doigt. Riley pourrait passer pour une personne briser qui n’est plus capable d’éprouver le bonheur en ce monde, comme si tout était vide de sens. Et en cela, le coeur de Quinn ne peut que se pincer devant cette incompréhension la plus totale.

Portait-elle une certaine douleur ? Un poids ? Le fait de ne pas le savoir lui permettait simplement d’imaginer tout un tas de scénario probable mais y’en avait-il seulement un qui pourrait se rapprocher un tant soit peu de la vérité, ça ce n’est clairement pas certain. Elle ne manqua pas de remarquer sa façon de boire, rapide comme si elle ne se sentait pas capable de supporter une soirée sans avaler ce liquide destiné à quoi ? A la détendre suffisamment ? Pourtant, la fille d’Apollon voyait plutôt l’alcool dans mauvais œil. Comment être maître de ses mouvements si ce liquide coule dans nos veines. Non, elle préférait éviter d’avoir une raison de faire une erreur monumentale qui pourrait prendre sa vie. Elle n’avait pas le droit de mourir bêtement mais aussi tout court. Riley n’avait l’air de ne rien craindre si ce n’est ce genre de moment. Pourtant, Quinn ne dit rien alors que si c’avait été une autre personne, elle lui aurait plus qu’un regard réprobateur. La jeune femme suivit de son interlocutrice s’engagea sur le chemin menant aux jardins, appréciant ce qui s’offrait à sa vue.

Elle ne cessait de s’émerveiller et s’apaiser dans cet endroit malgré les nombreuses présences qui cachaient un peu le potentiel de ce lieu spécial à ses yeux. Je fis la grimace, « Oh arrête ce n’était quand même pas si terrible que ça ? » A vrai dire si ça pouvait l’être mais Riley s’en était sorti d’une main de maître contrairement à d’autres. Il faut dire que sa technique restait largement différente, et son indifférence avait dû jouer un grand rôle. Je lui ai jeté un coup d’oeil, regrettant à l’avance mes paroles, « La mort de mon père a changé beaucoup de choses. Il n’empêche que parfois ma vie d’avant me manque bien que je ne connaisse pas de vie sans problème évidemment mais disons que certains sont moins lourds que d’autres. » Elle avait quitté le problème papa est mort pour tomber dans celui des partisans qui ne se rendaient pas compte qu’ils risquaient de détruire ce monde en voulant détruire l’Olympe. Un problème largement différent. Quinn aurait aimé être une simple mortelle. « N’as-tu jamais rêvé d’une autre vie, Riley ? » s'enquit-elle, se tournant vers elle, son regard porté sur son visage cherchant peut-être à voir une étincelle dans ses yeux qui trahiraient son attitude robotique.

Riley ne connaissait pas vraiment la dépendance. Enfin, façon de parler. Elle avait conscience de ce que cela signifiait, et de ce que ça pouvait entraîner. En tant que russe, on découvre très tôt les méfaits de l’alcool, mais dans son cas, aucun souci n’était à envisager de ce côté-là. Non pas seulement parce qu’elle était un soldat à sa manière, mais également parce qu’elle n’aimait pas l’idée de devenir accroc. A quoi que ce soit. Ou à qui que ce soit. Question de fierté ? Possible, mais probablement qu’il s’agissait là, avant tout, d’une question de survie. Riley avait eu l’occasion d’observer de ses propres yeux les méfaits de la drogue, et les conséquences qu’une surconsommation. Elle n’était guère friande de ce genre de spectacles d’ailleurs. Contempler de visu les décadences humaines dans leurs plus beaux apparats, ce n’était pas pour lui laisser croire que l’espoir existait. Ou qu’il fallait avoir foi en la Nature Humaine. Les êtres humains semblent plutôt faits pour s’autodétruire, pour s’entredéchirer. Et elle avait davantage de preuves quant à ce point de vue, que pour ce qui était de l’inverse. Oh, il y aurait toujours des bonnes actions, des cœurs purs, et des envies louables, mais en somme, dans la Grande Balance, il y avait manifestement un côté qui penchait plus que l’autre. Dans sa situation, elle avait suffisamment conscience de cela, pour faire des choix objectifs, voire un tantinet fatalistes. Mais quand un camé vend mère et père pour avoir sa dose, se foutant royalement de ce qu’il arriverait à ses parents, ouais, il y avait de grandes chances pour que Riley ne se mette pas à croire en l’Espoir de sitôt. A la place, elle affuterait ses compétences, ses capacités, pour ne dépendre que d’elle-même. Voilà la différence entre ceux qui se mettent à croire, à espérer, à tendre la main, et ceux qui agissent parce qu’ils préfèrent bouger que d’attendre, que de se soumettre au bon vouloir d’autrui. Possible que cela soit pris pour de l’égoïste, même de la folie qui sait, mais à ses yeux, ce n’est pas plus fou d’agir ainsi, que de mettre sa vie entre les mains d’une autre personne, comme si son propre avenir pourrait résulter de la noblesse de cœur d’un ou de plusieurs personnes. Trop dangereux. Beaucoup trop.

Observer la demoiselle à la dérobée pourrait être drôle, c’est vrai, mais quitte à changer de lieu, autant en profiter pour enregistrer le visage de toutes les personnes présentes dans ce coin. Riley faisait ça naturellement, comme une simple visiteuse, qui prend la température, mais qui n’est clairement pas là pour attaquer. En même temps, c’était un peu ce qu’elle était ce soir. Garder les mains visibles, et l’œil vif, tout simplement. Elle n’avait même pas amené son couteau dorsal, c’est pour dire. Non, seule son arme restait accrochée à sa cuisse, parce qu’il n’était pas dit qu’elle sortirait à l’air libre, sans prendre quelques précautions. Concernant ses paroles, il avait été aisé de lancer cette petite pique à Quinn. Un peu plus jeune qu’elle, mais pas tant que ça, d’après ses souvenirs, on ne pouvait louper les menues différences entre elles deux. Menues mais réelles. Et il n’était pas question de physique, mais de comportement. Quinn avait grandi, Riley ne pouvait en douter. La façon dont elle se tenait, le regard qu’elle posait sur les autres, sur les œuvres d’arts, tout était là pour lui prouver que la brune n’était plus une gamine. Mais si chacun prend de l’âge, acquérant de l’expérience et une certaine maturité, Riley ne pouvait pas dire que Quinn représentait un danger concret pour elle. Oh, il est possible qu’elle lâche son prénom russe, celui qu’elle utilisait pour les missions, mais en soi, ce ne serait pas un problème majeur, loin de là. Peu de monde était encore là pour attester de cette nomination d’ailleurs. Surtout depuis qu’elle se présentait en tant que Riley, lors des évènements comme celui-ci. Après tout, elle était américaine en ce moment, non ?

Quinn réagit à ses paroles, et Riley lui lança un regard en coin, avant de reporter son attention sur l’œuvre devant laquelle elles s’étaient toutes deux arrêtées. Haussant les épaules, elle lança quelques mots, sans la regarder. « Pas si terrible. Mais… y a mieux. » Oh, elle aussi, elle pouvait taquiner la gamine sans en donner l’air. Ses prunelles attentives passèrent sur les détails que l’artiste avait choisi d’offrir à la vue du public, et elle écouta les paroles de la plus jeune, tout en offrant un air distrait en apparence. La brunette venait d’évoquer la mort de son père, ce à quoi, Riley n’avait pas de phrase toute faite. Et encore une fois, elle détestait ça, alors bon. Buvant une petite gorgée, plus pour se mouiller les lèvres qu’autre chose, elle ne se tourna pas encore vers elle. Mais elle répondit. Quand même. « Perdre un être qui nous est cher, marque toujours un tournant dans la vie. C’est à nous de rebondir comme il se doit. En faisant le choix d’oublier la douleur, d’oublier les moments passés, les sentiments pour cette personne, ou alors… De tout garder. Pour en faire une force ou une faiblesse. » Le ton était plat, mais elle parlait d’expérience. Ce n’était pas parce qu’elle pouvait tuer quelqu’un de sang-froid, qu’elle n’avait pas suffisamment de cœur pour réfléchir à ce genre de sensibleries. Quand Quinn éleva de nouveau la voix, la jeune femme se tourna vers elle, cette fois. Pour que leurs regards se croisent, alors que les propos tenus étaient porteurs de charges émotionnelles dont elle se serait franchement bien passée. « Rêver est un luxe que je ne peux pas me permettre, Quinn. Pas alors qu’il y a parfois de ces… problèmes dont tu parles, qui entraînent des responsabilités réelles. » On ne peut pas rêver quand certaines vies dépendent de nos choix, et de nos actions. Parce que ce serait comme une fuite en avant, et un risque alors bien trop grand.

Depuis le départ de Lily sans prévenir au préalable d’ailleurs Quinn avait récupéré ses responsabilités avec un peu de panique tout de même. C’était une des raisons pour lesquelles elle s’était permise de rejoindre cette exposition. Déjà ça lui permettrait de réfléchir sur le comportement de son amie blonde. Pourquoi avait-elle décidé de partir sur un coup de tête ? Peu de temps après l’affaire avec Matt, bien sûr il faudrait être à moitié aveugle pour ne pas comprendre que cela avait un rapport plus que flagrant avec le fils d’Héphaïstos qui n’allait pas bien non plus. En clair, les deux amoureux allaient mal et tous les deux fuyaient - ils se fuyaient. Quinn ne pouvait pas voir d’autres options et ne savait pas non plus comment aider Lily à régler ce problème maintenant qu’elle s’en était allée. Elle lui avait juré que Matt reviendrait et c’était chose faite mais pour que la fille d’Aphrodite s’en aille à son tour. Quant au garçon, la fille d’Apollon n’avait tout simplement pas le courage de l’approcher à cause de leur passé intime à tous les deux. Bien sûr ça n’avait pas duré assez longtemps pour être une vraie relation mais quand même, du coup il lui restait une certaine gêne quand elle devait s’adresser au jeune homme. Et puis, maintenant qu’elle avait eu Roxanne, tout changeait et ses relations avec les hommes aussi.

La brune ne cherchait pas de coups d’un soir mais une relation stable et un garçon bien pour peut-être créer une famille avec lui, donner un frère ou une soeur à Roxanne. Cette idée faisait toujours sourire la Grecque qui s’imaginait avec au moins trois enfants. Sa fille ne cessait de grandir et elle se rappelait bien sa tristesse d’être presque une enfant unique vu la différence d’âge avec son frère adoptif, qui très vite, avait quitté le nid familiale pour poursuivre ses études. Non, elle rêvait d’un grand jardin avec une immense place de jeu, une piscine, un château fort, des balançoires et pourquoi pas un trampoline. Son père n’avait jamais voulu lui accorder cadeau jugeant qu’elle était trop grande alors que la brune ne cessait de lui dire qu’il n’y avait pas d’âge pour s’amuser sur un trampoline. Ce qui est plutôt vrai sauf si on ne tient pas à se fracasser les rotules. Heureusement que de temps en temps, surtout durant les vacances scolaires, Théo venait parfois dans la grande maison qui lui paraissait bien grande et ennuyeuse. Ils s’amusaient toujours tous les deux. Une fois, elle avait demandé à sa mère si Théo ne pouvait pas devenir son vrai frère, mais apparemment ça n’avait pas été possible.

Suite à ça, Quinn avait été très triste mais avait pu passer le reste de la semaine dans la famille de son cousin. Et attention, lui, avait eu le droit à avoir un trampoline ! Mais encore une fois, ses parents et les siens n’avaient pas trouvé l’idée des cousins très bonnes, rester ensemble n’était donc vraiment pas possible. Oh, elle avait fait la tronche pendant toute une soirée et était restée dans sa chambre, mais il faut croire que les parents ne sont pas très sensible à ce genre de méthode pour les faire craquer. Sans doute qu’un frère en plus et un trampoline c’était  un peu trop demandé. Du coup, elle avait abandonné mais pas si facilement, de temps en temps, elle glissait à sa mère des petits mots concernant l’un ou l’autre sujet mais sans succès. Alors venait la phrase qui tue, tu feras ce que tu veux quand tu seras grande. AH AH, sans aucun doute la plus grande salade au monde servi à tous les gamins. Le jour où ce sera vraiment le cas, faudra me faire signe. Pour en revenir à sa présence à l’exposition, les deux jeunes femmes s’étaient avancées jusque devant une toile en tout point magnifique. Quinn restait subjuguée devant tant de beauté et de charme. La Grecque avait l’impression de pouvoir sauter et se glisser à l’intérieur dans cette étendue d’eau dont les couleurs chatoyaient à la surface, reflétant le soleil. Ses prunelles était irrémédiablement attirés dessus, comme si une main invisible pouvait l’attraper et l’intégrer à l’œuvre. Une vraie merveille dans des tons marins avec des bateaux qui semblaient paisibles sur l’eau. Il y a en avait plusieurs dont un au loin. Oui vraiment, Quinn se sentait tout de suite apaisée rien qu’en admirant cette superbe toile. Elle se demandait si elle en était de même pour la femme qui l’accompagnait.

Puis, les paroles de celle-ci la ramenèrent sur terre. Elle tourna la tête vers elle, les yeux encore pétillants des étoiles qui devaient danser au fond de ses prunelles après telle découverte. Quinn lui fit un petit clin d’oeil en l’entendant dire qu’il y avait mieux. Elle ajouta même, « Tu te serai ennuyée dans le cas contraire. » Ou alors, Quinn l’avait à tout jamais dégoutée de ce genre de job en protection rapproché. Après tout, elle n’avait toujours pas la moindre idée de quelles étaient ses occupations au jour d’aujourd’hui, disons depuis la mort de son père et donc du patron de Riley ou de son employeur pour être plus respectueux vu que Riley n’avait pas l’air d’être le genre à avoir des patrons. Elle hocha doucement la tête aux paroles plus que sensées de son interlocutrice. Elle avait plus que raison. Mais parfois c’est vraiment dur de rebondir sans la personne qui habituellement nous poussait à tout donner jusqu’à en perdre haleine pour qu’elle soit fière de vous. « Parfois on a aussi la chance de tomber sur quelqu’un qui illumine notre vie... » murmura doucement Quinn en pensant très clairement à une certaine personne qui l’avait chamboulé sa vie justement et qui continuait encore à présent. Est-ce que Riley avait eu cette chance ? Vu sa façon de parler et sa prochaine tirade pas vraiment. D’ailleurs celle-ci piqua la curiosité de la fille d’Apollon. C’était étrange. Elle lui jeta un petit coup d’oeil avant de poursuivre le chemin après tout, elles n’allaient pas passer des heures à regarder la même toile. Elle devrait peut-être penser à prendre sa retraite, elle n’avait pas l’air d’être heureuse, voilà ce que se disait la brune sans trop comprendre ses raisons. Avec gentillesses et douceur, elle posa sa main sur son avant bras dans un geste visant à apaiser son ancienne garde du corps. Elle n’avait pas envie de lui poser des questions auxquelles Riley ne souhaiterait pas y répondre, d’ailleurs elle n’y répondrait pas, Quinn y mettrait son arc en pari. « De temps en temps, il faut aussi savoir faire une pause et prendre du bon temps. » lui dit-elle, avec un léger sourire.

Perdre des êtres chers, Riley savait ce que cela faisait. Elevée au sein d’une large poignée d’hommes, elle était en mesure de donner le nom de chacun d’entre eux. Parce qu’elle était la fille de son père et que certains s’attendaient à ce qu’elle prenne sa suite, à la mort de ce dernier. Elle-même n’y avait pas encore réfléchi. Parce qu’aussi portée sur la famille qu’elle l’était, elle n’en restait pas moins un électron ligne qui n’affectionnait pas outre mesure l’idée des chaines futures qu’il incomberait d’adopter si ce poste lui revenait. Son père avait l’étoffe pour ça, pour mener ses hommes à la victoire et elle avait toujours su qu’il était un bon chef. Chaque jour, elle cherchait à s’améliorer, non pas seulement pour le rendre fier, même si cela entrait dans l’ordre des choses, mais également pour pouvoir se regarder dans le miroir et se dire qu’elle n’était pas rester là à ne rien faire. Qu’elle pouvait changer les choses, qu’elle pouvait gérer sa vie, et être une personne active dans celles qui avaient croisé la sienne. A comprendre par là que lorsqu’elle rentrait à Chicago, elle faisait partie de ceux qui gardaient la maison, et qui allait sur le terrain quand les affaires allaient mal. Ce n’était pas pour rien qu’elle s’était sali les mains avec ce flic infiltré qui s’était cru plus malin que les autres. Oh que non, les membres de son clan n’étaient pas des enfants de cœur, comme elle-même n’en était pas un, mais ils étaient sa famille et pour eux, elle était totalement capable de tuer. Sans remord aucun, d’ailleurs. Alors perdre des êtres chers dans ce genre de circonstances ? Oui, Riley avait déjà donné, et le goût amer de la défaite vrillait encore sur sa langue quand elle y songeait. En progressant, en s’améliorant, on se garantie un futur plus sûr, et c’était aussi pour ça qu’elle ne voulait pas garder ses mains dans ses poches.

A donner des conseils, des phrases à la con à Quinn, elle se demanda brièvement quelle allure elle avait. Franchement, ce n’était pas son truc de répondre à ce genre de conneries. Quand tu vis auprès d’hommes la majorité de ton existence, tu adoptes rapidement une façon de te tenir, une manière d’être ou de parler qui ressemble d’avantage à celle d’un homme qu’à celle d’une femme. Parfois, avec eux, il suffisait d’offrir une tasse de café pour que l’autre comprenne que vous étiez là et que vous ne le laisseriez pas seul dans cette épreuve. Mais Quinn ne faisait pas partie de son clan, et elle ne connaissait pas ça. Pas avec elle. Sans compter qu’elle était une fille, qui durant une partie de sa vie, avait été choyée. Même si cela n’était plus aujourd’hui. Alors non, Riley savait qu’elle ne pouvait se contenter de lui lancer un regard en coin, avant de montrer un mec – ou une fille – qui passe en lançant un sous-entendu graveleux pour désamorcer la situation. Parce que ça ne suffirait pas. Alors, elle avait parlé. Réfléchi à des propos, des termes correctes, et à ce qu’elle-même avait déjà pu éprouver par le passé. Mais elle doutait sérieusement que cela suffisse. Encore une fois, ce n’était pas sa tasse de thé.

La demoiselle lui répondit quelque chose, quelque chose sur le fait que certaines présences plus d’autres ont la capacité d’illuminer nos vies. Riley suivit la marche, jusqu’au tableau suivant, en se demandant de qui la gamine était tombée amoureuse, avant de se rendre à l’évidence sur le fait qu’elle ne connaissait pas son entourage. Mais visiblement, pour lui tenir de tels propos, c’est que la demoiselle était à deux doigts de donner son cœur à quelqu’un, à moins, évidemment que ce ne soit déjà fait. Riley avala une gorgée, parce qu’elle n’avait clairement aucune envie de rétorquer quoi que ce soit au sujet des sentiments amoureux. Ces conneries, très peu pour elle. Elle avait déjà donné une fois, de tout son être, et franchement, elle savait très bien combien la chute faisait mal. A l’idée de revoir Cameron, un jour, tout son corps se mettait à frémir, et son cœur battait un peu plus vite. Comme l’idiot qu’il était. Et elle, qu’est-ce qu’elle était devenue ? Riley n’avait pas souhaité garder de nouvelles concernant le camp jupiter, mais elle ne doutait pas que douce et souriante comme elle était, Cameron avait dû retrouver quelqu’un. Et rapidement. Alors qu’elle… Non, elle ne ferait pas cette erreur. Elle avait été sincère, et elle lui avait donné bien plus qu’à n’importe qui, mais la blonde serait l’exception. De toute façon, Riley avait toujours eu conscience quelque part qu’elle était davantage amoureuse que la romaine, et y penser, ça lui faisait mal. Donc oui, elle préférait passer sur ces débilités d’adolescentes, avant de sortir son flingue et de tirer sur quelqu’un pour se calmer.

Quand Quinn s’autorisa le geste fou de toucher son avant-bras, elle marqua un temps d’arrêt, son regard se durcissant de lui-même. Ce vers quoi s’étaient tournées ses pensées n’avait franchement pas amélioré son humeur, et à présent, elle était plus en rogne qu’autre chose. Il valait mieux qu’elle la lâche, si elle ne voulait pas se recevoir une réflexion de son cru. Les lèvres pincées, elle fixait le tableau, en espérant que la fille comprenne le message. Parce qu’elle n’avait pas non plus envie de la toucher pour lui ôter la main. Peut-être parce qu’elle craignait de lui tordre le bras, au passage, incapable de se calmer. « Une pause ? Du bon temps ? » Mais ça, c’était bon pour les mortels sans essence. Elle ricana sombrement, avant de plonger un regard dur dans celui de la jeune femme. « Il y a toute la mort pour ça, tu sais. Et en général, elle arrive bien plus vite qu’on ne le pense. » Etait-ce une menace ? Oui, sans aucun doute. Mais est-ce qu’elle concernait Quinn ? Non, pas vraiment. A moins qu’elle n’enlève pas son bras.